Sommaire

Les chefs d’entreprises canadiens sont convaincus que le Canada peut atteindre l’objectif d’éliminer la production de gaz à effet de serre (GES), même si les moyens d’y parvenir ne sont pas encore pleinement définis. Le secteur privé est disposé à faire sa part, mais tous les Canadiens doivent comprendre que la carboneutralité exigera l’apport de changements importants à leur quotidien. Nous devons commencer à mettre en place les principaux éléments, tout en faisant preuve de souplesse pour s’adapter au fil du temps et selon les expériences. 

Notre ambition de réduire les émissions de GES doit être assortie d’un engagement tout aussi important et inébranlable envers une croissance économique durable. Une économie en croissance contribuera à réparer les dommages causés par la pandémie, à créer de nouveaux emplois de grande valeur et à remettre les finances publiques du Canada sur une voie durable. Grâce à la croissance économique, les secteurs public et privé pourront investir dans des solutions visant à lutter contre les changements climatiques. 

Il est urgent de bien faire les choses. Le Canada fait face à une concurrence accrue au sein de l’économie mondiale et ces pressions s’intensifieront vraisemblablement au lendemain de la pandémie, alors que le monde se prépare à un avenir à carbone réduit. D’autres pays prennent actuellement cette initiative et élaborent leurs propres stratégies économiques et environnementales pour en tirer un avantage concurrentiel. Les décideurs du Canada devront travailler avec le secteur privé pour créer conjointement des stratégies industrielles propres aux secteurs qui soutiendront nos buts communs. 

Il sera crucial de collaborer de manière stratégique avec notre plus grand partenaire commercial. Il pourrait y avoir des secteurs où il est logique de faire cavalier seul, mais dans la plupart des cas, des stratégies de transition cohérentes entre le Canada et les États-Unis profiteront aux deux parties. Les possibilités principales comprendront les suivantes : des exportations d’électricité propre; une meilleure chaîne d’approvisionnement nord-américaine pour les véhicules électriques, les batteries et l’infrastructure de chargement; des partenariats stratégiques ayant trait à l’hydrogène, au captage, à l’utilisation et au stockage du carbone (CUSC), aux minéraux essentiels et à la technologie nucléaire. 

Notre ambition de réduire les émissions de GES doit être assortie d’un engagement tout aussi important et inébranlable envers une croissance économique durable.

En même temps, les deux pays devraient élaborer une déclaration de principe qui reconnaît le besoin constant d’un approvisionnement sûr et stable de pétrole et de gaz pour répondre à la demande nationale, ainsi que le rôle crucial que joueront les entreprises canadiennes et américaines des secteurs de l’énergie et des ressources pour financer une bonne partie des travaux de recherche et de développement et investir dans la technologie propre, lesquels seront nécessaires pour atteindre la carboneutralité. 

Il s’agit là d’un point important parce que nos secteurs de l’énergie et des ressources peuvent diriger la transition. Ils ont la taille, les employés et les capacités technologiques pour le faire. Ils produisent également beaucoup de matières et minéraux dont le monde a besoin pour assurer un avenir à carbone réduit. Ils font en outre partie des producteurs les plus propres et les plus efficaces en ce qui a trait aux émissions de GES partout dans le monde. Plutôt que de chercher à nous débarrasser de ces industries ou à diminuer leur rôle, nous devrions renforcer leur capacité à investir dans des solutions pour le climat et à saisir leur part de marché au pays et à l’étranger.

Dans un monde où la « finance durable » et les mesures environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) gagnent en importance, les gouvernements doivent travailler avec le secteur privé afin que le Canada devienne une destination de choix pour de nouveaux investissements qui appuient nos ambitions en matière de carboneutralité. Pour leur part, les entreprises canadiennes doivent continuer à démontrer qu’elles évaluent, gèrent et communiquent les possibilités associées aux changements climatiques ainsi que les risques que les changements représentent pour ces entreprises. 

Nos secteurs de l’énergie et des ressources peuvent diriger la transition. Ils ont la taille, les employés et les capacités technologiques pour le faire.

Les entreprises et les investisseurs ont besoin d’une clarté et d’une prévisibilité stratégiques à long terme pour pouvoir planifier efficacement la transition. Les gouvernements doivent fournir un cadre stratégique qui stimule les investissements et appuie la commercialisation et le déploiement à grande échelle des technologies prometteuses. Nous avons également besoin d’un contexte politique favorable qui permet aux entreprises en démarrage dans le secteur des technologies propres de demeurer au Canada et d’y prospérer. 

Le gouvernement doit soutenir la recherche et le développement d’envergure afin de mettre au point des solutions révolutionnaires pour le climat, à la fois grâce à un financement spécifique et à la création d’un organisme doté d’une mission précise, comme l’ARPA-E des États-Unis, pour se concentrer sur les technologies de pointe les plus prometteuses.

Une stratégie canadienne visant la carboneutralité devrait s’appuyer sur les avantages stratégiques du pays dans des domaines comme le CUSC, l’hydrogène, les minéraux critiques et l’énergie nucléaire. Elle pourrait prévoir un financement pour la recherche et le développement, les projets de démonstration et les politiques fiscales qui attirent les investissements. Le but devrait être d’accroître l’adoption des technologies à faibles émissions de carbone tout en augmentant les exportations de produits, de technologies et d’expertise canadiens.

Au niveau mondial, le Canada est un chef de file dans la production d’électricité propre. Déjà, 82 p. 100 de l’électricité que nous produisons provient de sources qui n’émettent pas de gaz à effet de serre. Toutefois, l’atteinte de la carboneutralité exigera une adoption massive de l’électricité à faibles émissions de carbone, particulièrement dans le secteur des transports grâce à l’adoption accrue de véhicules électriques. Pour s’appuyer sur ses forces, le Canada doit se concentrer sur quatre objectifs intimement liés : produire de l’électricité propre à l’échelle; maintenir des réseaux électriques fiables pendant que de nouvelles technologies de production font leur apparition; produire de l’électricité propre afin d’appuyer les applications nouvelles et existantes; veiller à ce que l’électricité demeure une source d’énergie rentable dans toutes les régions du pays. 

La transition vers une économie à faibles émissions de carbone offre une multitude de possibilités pour améliorer la vie et le bien-être des citoyens et des familles d’un bout à l’autre du pays. En fait, la transition pourrait donner un énorme coup de pouce aux efforts de réconciliation avec les peuples autochtones en formant des partenariats avec le secteur privé afin de développer les ressources de manière responsable. Le gouvernement fédéral devrait nommer un groupe d’experts formé de chefs d’entreprises et de dirigeants financiers autochtones pour étudier de nouvelles manières de financer des entreprises appartenant à des Autochtones et assurer l’accès à du capital de risque pour investir dans des projets d’envergure.

La course pour développer des formes d’énergie plus propres et des produits et technologies à faibles émissions de carbone exigera également des travailleurs canadiens experts et bien formés. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent travailler en partenariat avec le secteur privé, les universités et les collèges afin de s’assurer que les travailleurs canadiens possèdent les compétences nécessaires pour appuyer la transition vers la carboneutralité.

La transition pourrait donner un énorme coup de pouce aux efforts de réconciliation avec les peuples autochtones en formant des partenariats avec le secteur privé afin de développer les ressources de manière responsable.

Même si nous nous préparons à atteindre la carboneutralité, nous ne pouvons faire fi de ce qui se passe actuellement. Le Canada doit gérer les répercussions immédiates des changements climatiques et faire progresser les stratégies de résilience et d’adaptation au climat. Il devra donc travailler avec les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, le secteur privé et d’autres intervenants afin d’élaborer et de mettre en œuvre un solide cadre d’adaptation aux changements climatiques.

Introduction

Les chefs d’entreprises canadiens reconnaissent les preuves scientifiques convaincantes relatives aux changements climatiques et estiment qu’il est nécessaire d’agir de manière décisive, à la fois pour limiter les dommages actuels et futurs, et pour améliorer la vie des prochaines générations. Une politique publique intelligente peut assurer une relance saine après la pandémie de COVID-19, permettre de créer des emplois, bâtir des collectivités fortes et résilientes et engager fermement le Canada sur la voie de la carboneutralité pour les trois prochaines décennies. Nous reconnaissons d’entrée de jeu que le défi est énorme. Nous sommes toutefois convaincus qu’avec un contexte politique favorable et des investissements publics et privés soutenus, les Canadiens pourront bénéficier d’une économie solide et dynamique et que nous atteindrons la carboneutralité d’ici 2050.

Une politique publique intelligente peut assurer une relance saine après la pandémie de COVID-19, permettre de créer des emplois, bâtir des collectivités fortes et résilientes et engager fermement le Canada sur la voie de la carboneutralité pour les trois prochaines décennies.

Partie 1: Notre défi

En vertu de l’Accord de Paris signé en 2015, le Canada et près de 200 autres pays se sont engagés à limiter le réchauffement climatique à un niveau « bien inférieur » à 2 °C, de préférence à 1,5 °C, par rapport au niveau préindustriel1. Les émissions de GES à l’échelle mondiale continuent néanmoins d’augmenter et les scientifiques croient que la Terre pourrait se réchauffer d’au moins 3 °C au cours du présent siècle, ce qui pourrait entraîner des résultats catastrophiques, notamment une élévation du niveau de la mer et des conditions météorologiques extrêmes. Certaines régions du monde pourraient devenir inhabitables, menant à de la famine, des migrations et possiblement des conflits violents2.

En 2018, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies a abondé dans le même sens. Il a conclu que les émissions de dioxyde de carbone (CO2) produites par l’humain devaient diminuer d’environ 45 p. 100 d’ici 2030, comparativement aux niveaux de 2010, et qu’il fallait atteindre la carboneutralité d’ici le milieu du siècle pour donner au monde une bonne chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C et ainsi éviter les pires conséquences des changements climatiques. La carboneutralité est effectivement atteinte lorsque les émissions de CO2 produites par les humains sont retirées de l’atmosphère grâce à des moyens technologiques ou naturels sur une certaine période3

En réponse à ce défi, le Canada, en collaboration avec plus de 120 pays et partenaires du G7, s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Le gouvernement fédéral cherche dorénavant à officialiser cet objectif dans la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, déposée au Parlement en novembre 2020. La Loi prévoit une série d’objectifs pour réduire les émissions de GES par périodes de cinq ans de 2035 à 2050. En décembre 2020, le gouvernement fédéral a publié Un environnement sain et une économie saine, un plan qui permettrait au Canada de respecter l’engagement qu’il a pris dans le cadre de l’Accord de Paris, c’est-à-dire de réduire de 30 p. 100 les émissions de GES d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 20054

Atteindre la carboneutralité sera un défi de taille, et pour cause : 

  • Le CO2 provenant de la combustion de combustibles fossiles et de la biomasse représente environ 90 p. 100 des émissions à l’échelle mondiale. Pendant la période de confinement la plus extrême de la pandémie, lorsque les déplacements aériens et terrestres ont été considérablement réduits et que plusieurs entreprises ont interrompu leurs activités, la consommation de pétrole au niveau mondial n’a diminué que d’environ 20 p. 1005
  • Le plan aspire à surpasser la cible de l’Accord de Paris et vise une réduction de 32 à 40 p. 100. Pourtant, bien que l’intensité des émissions du Canada (GES par dollar du PIB) s’est améliorée de 23 p. 100 depuis l’année de référence 2005, les émissions dans l’ensemble ont été réduites de seulement 1,1 p. 100 au cours de la même période6.
  • Au Canada, l’intensité des émissions de GES par habitant figure parmi les plus élevées des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et est 3,25 fois plus élevée que la moyenne mondiale7
  • La capacité du Canada d’investir massivement dans les technologies propres et l’innovation est limitée. La pandémie a entraîné une explosion des dépenses du gouvernement et de la dette, ce qui exercera des pressions énormes sur les finances publiques au cours des prochaines années. On s’attend donc à ce que d’ici 2025, la croissance économique atteigne à peine 1,4 p. 100 par année8
  • Peu de Canadiens comprennent l’ampleur du changement qui s’impose. L’énergie fait partie intégrante de notre quotidien. La transformation de notre réseau énergétique aura une incidence sur tout ce que nous faisons et tout ce qui nous entoure : nos maisons, nos bureaux et nos véhicules, nos déplacements à l’échelle locale et ailleurs, et les types d’emplois qui seront disponibles à l’avenir. Nous avons collectivement la responsabilité de renseigner les Canadiens sur les coûts et les répercussions de cette transformation afin qu’ils continuent d’y être favorables au fil du temps. 

Ces défis ne devraient pas nous dissuader d’aller de l’avant. Nous sommes convaincus que le Canada peut retrouver sa vigueur économique et mener la lutte contre les changements climatiques. Beaucoup d’entreprises canadiennes ont déjà pris des engagements importants envers la carboneutralité, et notre secteur des services financiers est capable de mobiliser des centaines de milliards de dollars pour financer une innovation écologique. Ce que ces entreprises produisent, que ce soit de l’énergie sous toutes ses formes, de l’acier, du ciment ou des métaux précieux, est nécessaire pour atteindre la carboneutralité. Dans bien des cas, les empreintes des producteurs canadiens concernant les GES sont parmi les plus faibles du monde. Le Canada développe également de nouvelles forces dans les technologies novatrices, comme l’hydrogène, les biocarburants, le stockage de batterie, les petits réacteurs modulaires et le captage de carbone, qui peuvent aider le pays et le monde à atteindre leurs objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques. 

Beaucoup d’entreprises canadiennes ont déjà pris des engagements importants envers la carboneutralité, et notre secteur des services financiers est capable de mobiliser des centaines de milliards de dollars pour financer une innovation écologique.

Outre notre avantage sur le plan de l’énergie et des ressources, les dirigeants canadiens peuvent compter sur un réseau électrique à relativement faibles émissions de carbone; des processus réglementaires et d’approbation rigoureux; des normes élevées de conduite éthique pour les entreprises; le rôle de champion quant aux exigences sur les plans ESG au niveau mondial que jouent plusieurs de nos grandes entreprises dans le secteur des ressources. 

En raison des défis mentionnés plus haut, il faut accélérer la cadence. D’autres pays n’attendent pas. Nous devons saisir les occasions et éviter d’accuser de retard ou de perdre la course. En investissant tôt dans le processus, nous pourrons apprendre en agissant, adapter les technologies plus rapidement et récolter les fruits de nos efforts au fil du temps lorsque les coûts des nouvelles technologies diminueront. Nous devons nous doter d’un plan national cohérent qui permettra aux Canadiens de réussir, un plan qui s’appuie sur un secteur de l’énergie et des ressources dynamique, et sur des politiques ambitieuses pour lutter contre les changements climatiques. 

Partie 2: Principes qui permettront au Canada d’atteindre la carboneutralité 

Tout comme les objectifs de développement durable des Nations Unies et l’Accord de Paris, l’engagement du gouvernement d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 doit s’inscrire dans le plus vaste contexte de bâtir une société plus prospère et équitable pour tous les Canadiens. L’approche du Canada pour concrétiser cette vision doit tenir compte des principes suivants :

  • Une étroite coopération entre les secteurs public et privé. Les Canadiens doivent être en mesure d’être concurrentiels de façon efficace dans une économie à faibles émissions de carbone. D’autres pays prennent actuellement cette initiative et élaborent leurs propres stratégies de transition pour en tirer un avantage concurrentiel. En plus de maintenir une tarification de la pollution par le carbone, le gouvernement devra travailler avec le secteur privé pour élaborer des stratégies industrielles propres aux secteurs qui appuient les objectifs économiques et environnementaux. 
  • Une prévisibilité quant aux politiques. Pour planifier efficacement la transition continue, le milieu des affaires doit pouvoir compter sur une stabilité et une clarté stratégiques à long terme. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent travailler plus étroitement ensemble pour fournir cette clarté. Les politiques publiques devraient constituer un incitatif pour de vastes investissements dans les technologies actuelles et nouvelles et attirer les capitaux nécessaires afin d’appuyer un déploiement et une commercialisation à grande échelle de technologies prometteuses. Nous avons également besoin d’un contexte politique favorable qui permet aux entreprises en démarrage dans le secteur des technologies propres de demeurer au Canada et de prospérer. 
  • Une reconnaissance du rôle que jouera le secteur canadien de l’énergie et des ressources dans la transition vers la carboneutralité. Le Canada ne peut pas profiter d’une économie saine et d’un environnement sain sans un secteur de l’énergie et des ressources puissant et dynamique. Les grandes entreprises canadiennes de ce secteur ont les employés, le savoir-faire technologique et les moyens financiers pour y parvenir. Plutôt que de chercher à se débarrasser de ces industries ou à diminuer leur rôle, nous devrions renforcer leur capacité à investir dans des solutions pour le climat et accroître leur part de marché au pays et à l’étranger. Plus important encore, le Canada devrait être perçu comme un champion dans les négociations internationales en lien avec les changements climatiques de son secteur des ressources et sa capacité de réduire les émissions. 
  • Une transparence complète par rapport aux coûts. Le gouvernement doit être ouvert et transparent en ce qui concerne les coûts des politiques énergétiques et relatives aux changements climatiques du Canada. Une divulgation publique entière de ces coûts est essentielle pour (i) évaluer et optimiser l’attribution et l’investissement de capitaux afin que ce soit le plus abordable possible pour les Canadiens, et (ii) veiller à ce que les Canadiens comprennent et appuient les principaux éléments de la transition. 
  • Des partenariats avec les collectivités autochtones. La transition vers une économie à faibles émissions de carbone représente une occasion sans précédent de favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones grâce à des partenariats avec le secteur privé dans le développement responsable des ressources. Les occasions pour les Autochtones en ce qui a trait à l’emploi, à la formation, à la passation de marchés et aux partenariats commerciaux devraient être optimisées.
  • L’adoption de stratégies d’adaptation aux changements climatiques et de résilience. Comme l’a indiqué la Banque mondiale, « les répercussions des changements climatiques se font déjà ressentir et s’intensifient rapidement, et il n’y a pas de recette magique pour les empêcher10 ». Par conséquent, le Canada doit redoubler d’efforts pour élaborer des stratégies de résilience et d’adaptation aux changements climatiques. Il devra donc travailler avec les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, le secteur privé et d’autres intervenants en vue de mettre au point un cadre solide d’adaptation aux changements climatiques et des mécanismes de financement appropriés.

Ces principes peuvent constituer un point de départ et façonner une vision commune pour tous les Canadiens.

Partie 3: Le plan

La pandémie de COVID-19 a entraîné une crise économique qui a exercé d’énormes pressions sur les finances publiques. Les Canadiens doivent maintenant relever le double défi de rebâtir l’économie grâce à des investissements stratégiques dans les infrastructures, les compétences et l’innovation tout en tentant de remettre le pays sur la voie de la carboneutralité11. Nous décrivons ci-dessous 12 éléments clés qui devraient faire partie d’un plan de carboneutralité. 

1. Miser sur les partenariats public-privé pour dynamiser les investissements dans les technologies à faibles émissions de GES

Pour amorcer les efforts vers la carboneutralité, le gouvernement fédéral doit envoyer un message clair indiquant qu’il est prêt à travailler en partenariat avec le secteur privé afin de faciliter les investissements nécessaires pour réduire les émissions, accroître la compétitivité du secteur des ressources naturelles et de la fabrication du Canada et créer des possibilités qui permettront aux innovateurs canadiens en matière de technologies propres d’élargir leur part de marché, au pays et à l’étranger. Le rôle du gouvernement doit évoluer pour qu’il devienne un partenaire prévisible et à long terme qui favorise les investissements et qui aide à éliminer les risques associés aux possibilités les plus prometteuses.

Il faut investir tôt, de manière stratégique et importante, pour diminuer la courbe des coûts des technologies de réduction des émissions de GES et faciliter le déploiement à grande échelle nécessaire pour atteindre les cibles gouvernementales de 2030 et de 2050. 

Le gouvernement devrait élaborer un cadre stratégique qui fournit clarté et prévisibilité aux entreprises qui font des investissements à long terme dans la technologie de réduction des émissions.

Afin d’accroître la capacité du secteur privé à investir dans des possibilités existantes et nouvelles de réduction de GES, notamment le captage, l’utilisation et le stockage de carbone (CUSC), l’hydrogène, le stockage de batterie, le gaz naturel renouvelable, l’énergie nucléaire et d’autres technologies propres, le gouvernement du Canada devrait élaborer un cadre stratégique qui : 

  • Fournit aux entreprises qui investissent à long terme dans le développement et la mise en œuvre de technologies de réduction des émissions une clarté et une prévisibilité stratégique et réglementaire en matière de carbone; 
  • Crée des sources de revenus stables pour les entreprises et comprend une vaste série d’incitatifs pour des investissements comparables aux meilleures pratiques reconnues à l’échelle internationale, comme les crédits d’impôt pour la production en ce qui concerne le CUSC (les dispositions 45Q aux États-Unis en sont un modèle possible), ainsi que la production de carburants à faible teneur en carbone et d’énergie renouvelable; l’accélération de la création de catégories de biens amortissables; l’accès à une série de mesures de carbone compensatoires vérifiées; des actions accréditives; 
  • Précise le rôle que joue le gouvernement fédéral pour appuyer les investissements stratégiques en recherche et en développement liés aux technologies potentiellement révolutionnaires et pour aider à éliminer les risques liés à l’investissement réalisé par le secteur privé dans les nouvelles technologies. La Banque de l’infrastructure du Canada, par exemple, pourrait être la source d’un soutien financier important et à long terme; 
  • Apporte de la cohérence et accorde une priorité au financement fédéral conçu pour stimuler la recherche et l’innovation dans le domaine des technologies propres. Cela comprend du financement de Technologies de développement durable Canada, de la Banque de développement du Canada et d’Exportation et développement Canada;
  • Simplifie les processus d’approbation et de délivrance de permis qui sont nécessaires pour appuyer les grands projets relatifs à la réduction d’émissions de GES.  

2. Saisir énergiquement les meilleures occasions pour le Canada de réduire les émissions 

Le Canada possède des avantages comparatifs dans certaines technologies qui seront essentielles pour que le monde soit en mesure d’atteindre la carboneutralité. Ces avantages découlent de notre richesse en matière de ressources naturelles et de l’expertise du gouvernement et du secteur privé acquise sur de nombreuses années. Une approche stratégique délibérée peut exploiter ces avantages concurrentiels de manière à renforcer notre économie et à créer des possibilités d’exportations déterminantes. Parmi les plus importantes, notons les suivantes :

Captage, utilisation et stockage de carbone (CUSC). Le CUSC est une technologie cruciale en matière de GES, et le Canada a développé une expertise considérable à ce chapitre. Deux projets canadiens, la centrale électrique au charbon Boundary Dam de SaskPower et l’installation Quest de Shell Canada près d’Edmonton font partie des premières installations commerciales de CUSC au monde. En tout, quelque quatre millions de tonnes d’émissions de CO2 sont captées annuellement au Canada. Pendant ce temps, des entreprises canadiennes novatrices mettent au point des technologies qui peuvent utiliser le CO2 capté pour le convertir en produits commerciaux comme du plastique, des savons et des combustibles artificiels.

Bien que les coûts du captage soient relativement élevés à l’heure actuelle, la situation risque de changer au fur et à mesure que le nombre de projets augmentera et que des économies d’échelle pourront être réalisées.

Le CUSC représente le meilleur moyen de réduire les émissions provenant de la production d’hydrogène « bleu », soit l’hydrogène produit par le reformage du méthane à la vapeur. L’existence de flux de CO2 à concentration forte ou moyenne qui découlent d’autres industries produisant beaucoup d’émissions, par exemple l’acier, le ciment et les engrais, combinée à des options de stockage de grande qualité dans les formations géologiques à proximité, fait du CUSC une technologie particulièrement prometteuse pour le Canada. 

Le plan du gouvernement fédéral pour lutter contre les changements climatiques d’ici 2030 reconnaît l’importance du CUSC. Le récent rapport du Conseil sur la stratégie industrielle abondait dans le même sens, indiquant que le CUSC constitue un domaine de force concurrentielle et une source d’« expertise exportable12 ». L’Agence internationale de l’énergie a conclu que « l’atteinte de la carboneutralité sera pratiquement impossible sans le CUSC13 », notamment parce qu’environ 40 p. 100 de l’électricité produite dans le monde provient encore du charbon14.

Bien que les coûts du captage soient relativement élevés à l’heure actuelle, la situation risque de changer au fur et à mesure que le nombre de projets augmentera et que des économies d’échelle pourront être réalisées. Il existe également des possibilités de bâtir une expertise et de réduire les coûts liés au transport et au stockage de CO2. La création de réseaux locaux qui relient les grandes sources d’émissions à des sites de stockage géologique à proximité, comme l’Alberta Carbon Trunk Line récemment achevé, pourra considérablement réduire les coûts associés au transport et au stockage et favoriser encore davantage l’innovation. 

D’autres pays agissent rapidement pour se positionner en tant que principaux fournisseurs de technologies de CUSC. Le Canada doit emboîter le pas. Les expériences récentes aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Norvège ont démontré que les investissements publics en recherche et en développement peuvent stimuler la quête d’innovation et la mise au point de technologies de captage plus abordables. De plus, une mesure fiscale aux États-Unis, connue comme la mesure 45Q, prévoit un crédit d’impôt qui a aidé à propulser plusieurs nouveaux projets de CUSC dans ce pays. 

Pour appuyer le développement plus poussé de CUSC et bâtir la capacité d’exportation pour les technologies canadiennes en matière de CUSC, le gouvernement fédéral devrait : 

  1. Offrir un crédit d’impôt visant les activités de production de CUSC qui mènent à un stockage permanent de CO2 dans des formations géologiques sécuritaires; 
  2. Offrir un soutien financier pour favoriser la création de réseaux de collecte et de stockage de CO2 qui peuvent efficacement être reliés aux grandes sources industrielles de CO2 disposant d’emplacements de stockage appropriés;
  3. Financer d’autres projets de recherche et de développement visant à améliorer l’efficacité des technologies de captage et à en réduire le coût. 


Hydrogène.
Comme le Canada et le monde cherchent à répondre à la demande énergétique croissante en ayant un plus faible impact environnemental, l’hydrogène attire encore une fois sérieusement l’attention. L’hydrogène est relativement dense sur le plan énergétique et possède peu de caractéristiques négatives associées aux combustibles fossiles conventionnels.  Utilisé dans notre réseau de transports, il pourrait entraîner des effets positifs sur l’environnement, particulièrement si l’on remplace les carburants à base de carbone dans les camions lourds, les trains et les navires.  Il peut s’ajouter au gaz naturel ou le remplacer pour le chauffage commercial et résidentiel et certaines applications industrielles. L’hydrogène peut se substituer au gaz naturel dans la production énergétique et recèle le potentiel de stocker de l’énergie pour suppléer à une énergie éolienne et solaire plus variable. 

L’hydrogène peut procurer un avantage concurrentiel comparatif au Canada. Le gaz naturel de l’Ouest du Canada combiné au CUSC offre une marge de manœuvre considérable pour la production d’hydrogène à faibles émissions. Les régions disposant d’hydroélectricité à faible coût en quantité abondante ont la possibilité de développer de l’hydrogène « vert » grâce à des percées dans le domaine de l’électrolyse.  L’infrastructure de perfectionnement et de raffinement des sables bitumineux du Canada produit et utilise de grandes quantités d’hydrogène. Cette expertise, de même que notre expérience pour adapter à plus grande échelle de nouveaux projets énergétiques, soutenues par un système de financement de l’énergie de calibre mondial, nous seront grandement utiles.  

La stratégie du gouvernement fédéral relative à l’hydrogène15, publiée à la fin de 2020, laisse entendre que l’hydrogène pourrait répondre à 30 p. 100 des besoins énergétiques du Canada d’ici 2030. L’honorable Seamus O’Regan, ministre des Ressources naturelles, a indiqué qu’une utilisation accrue de l’hydrogène au Canada pourrait se traduire par des réductions annuelles d’émissions de GES pouvant atteindre 45 tonnes d’ici 2030 et créer jusqu’à 350 000 nouveaux emplois d’ici 205016. Nous devons saisir cette occasion. Plusieurs autres pays investissent massivement dans l’hydrogène, même s’ils ne disposent pas des mêmes avantages naturels stratégiques que nous. 

Les entreprises et les marchés de capitaux ont besoin d’un signal clair que le gouvernement est résolu à faire du Canada un chef de file dans ce secteur concurrentiel en évolution. La stratégie fédérale relative à l’hydrogène prévoit investir 1,5 milliard de dollars pour le développement de combustibles à faible teneur en carbone, mais il reste à déterminer combien de cette somme sera effectivement consacrée à l’hydrogène. Plus important encore, le gouvernement doit veiller à ce que sa stratégie à long terme soit claire et cohérente afin que le secteur privé n’hésite pas à investir les sommes colossales requises. Comme il est mentionné ailleurs dans le présent document, il faudra pour ce faire une stratégie sur l’innovation des technologies climatiques. Les recherches visant à réduire le coût du CUSC et de l’électrolyse en particulier sont essentielles pour que le Canada devienne une destination concurrentielle pour la production d’hydrogène et les investissements dans cette technologie. L’infrastructure actuelle des oléoducs en Amérique du Nord peut servir à transporter de l’hydrogène au-delà des frontières, mais il faut d’abord que la réglementation de divers pays soit clairement harmonisée. Finalement, le gouvernement fédéral doit travailler en collaboration avec les provinces et les territoires pour que le Canada puisse tirer profit des forces régionales en vue d’élaborer une véritable stratégie nationale relative à l’hydrogène. 

Minéraux critiques. Alors que le monde se dirige vers un avenir à carbone réduit, la demande mondiale pour les minéraux et les métaux essentiels à la transition augmentera. Le Canada est bien positionné pour accroître la production en tant que fournisseur important de ces minéraux au niveau mondial. Nous avons de l’expertise dans les secteurs minier et de la transformation de minéraux ainsi que des normes reconnues à l’échelle mondiale en ce qui concerne les ESG. Nous avons beaucoup de cuivre, de cobalt, de lithium, de graphite et de nickel, autant de composants clés des batteries et des véhicules électriques de l’avenir, en plus d’autres minéraux qui sont utilisés dans les semiconducteurs, les panneaux solaires et les applications aérospatiales. 

L’an dernier, le Canada et les États-Unis ont signé le plan d’action conjoint pour la collaboration dans le domaine des minéraux critiques17. Le plan devrait renforcer les chaînes d’approvisionnement nord-américaines et permettre la coopération en matière de recherche et de développement, en plus de favoriser le développement plus poussé des minéraux critiques. Notons que la Chine domine déjà l’approvisionnement de certains minéraux « rares » qui sont utilisés dans les systèmes de télécommunications et l’équipement de défense, et elle cherche à étendre son influence sur l’approvisionnement d’autres minéraux. Pour ces raisons, une stratégie efficace canadienne et nord-américaine sur les minéraux critiques, axée sur un approvisionnement accru au sein du continent, est une question de sécurité nationale. Plus tôt cette année, le Canada a publié la liste des 31 minéraux critiques qui sont essentiels pour la sécurité économique du pays et la transition vers la carboneutralité. La publication de la liste vise à fournir une plus grande clarté et prévisibilité par rapport aux priorités du Canada concernant les minéraux. Elle permettra aux décideurs de cibler les principaux points dans les chaînes d’approvisionnement et de s’y attaquer18

Le Canada doit accroître sa capacité d’extraction et de traitement des minéraux critiques en aval pour créer des matériaux raffinés et des produits à valeur ajoutée. En soutenant financièrement des projets pilotes et de démonstrations, le gouvernement fédéral devrait travailler en partenariat avec le secteur privé afin d’éliminer les risques associés au développement de minéraux critiques les plus prometteurs. De plus, puisque plusieurs dépôts de minéraux critiques et mines exploitées se trouvent dans des régions éloignées qui dépendent actuellement du diesel, le gouvernement fédéral devrait envisager la possibilité de créer un fonds pour une électrification écologique à l’extérieur du réseau. Un tel fonds pourrait également bénéficier à des collectivités locales, dont beaucoup sont autochtones. 

Énergie nucléaire et petits réacteurs modulaires (PRM). L’énergie nucléaire arrive au deuxième rang des sources les plus importantes pour la carboneutralité. Cette contribution à l’objectif national de carboneutralité est maintes fois multipliée lorsqu’on tient compte de la participation du Canada au cycle mondial de combustible nucléaire et des émissions de GES non produites grâce au recours à l’énergie nucléaire. Le gouvernement fédéral devrait promouvoir une utilisation accrue de toutes les formes d’énergie propre et à faible teneur en carbone, dont l’énergie nucléaire, au pays et à l’étranger. S’assurer que les marchés mondiaux ont accès à l’uranium, aux produits nucléaires et à l’expertise du Canada renforcerait les chaînes d’approvisionnement et permettrait au Canada de tirer profit des possibilités de nouvelles constructions sur la scène mondiale et du marché émergent de PRM.

Ces derniers peuvent fournir une nouvelle source importante d’électricité propre à plus petite échelle et à un coup considérablement moindre que les grandes centrales nucléaires. Ils ont également l’avantage de prendre moins de temps à produire, en plus d’avoir des effets environnementaux moins importants et d’être soumis à un nombre moins élevé d’exigences liées au territoire que les réacteurs grandeur nature. Les très petits réacteurs modulaires (TPRM), qu’on appelle aussi des microréacteurs, pourraient également être utilisés dans le cadre d’importants développements industriels, comme les exploitations de sables bitumineux, ainsi que pour l’approvisionnement d’une énergie sûre dans des régions éloignées qui dépendent généralement du diesel. Le plan d’action du Canada sur les PRM reconnaît leur potentiel au Canada et vise à faire du Canada un chef de file à l’échelle mondiale dans le domaine des technologies des PRM19

Pour tirer parti de la contribution possible des PRM à l’atteinte de l’objectif de carboneutralité du Canada, il faudra de nouveaux capitaux en quantité suffisante pour faire les démonstrations et le déploiement des PRM. Le gouvernement devra consentir du financement pour appuyer les premiers travaux, les projets plus risqués, la recherche et le développement et l’attribution de licences nécessaires au succès des PRM. Après avoir choisi la conception d’un PRM aux fins du déploiement, le Canada devra peut-être fournir un soutien supplémentaire sous forme de crédits d’impôt, d’un amortissement accéléré et/ou d’un abattement fiscal. En investissant plus tôt dans le processus pour appuyer le déploiement commercial des PRM au Canada, le gouvernement pavera la voie à un plus grand nombre d’options en matière d’électricité à faible teneur en carbone, et à la création ou à l’expansion de chaînes d’approvisionnement nécessaires pour appuyer ces nouveaux réacteurs.

Alors que les PRM représentent une partie importante de l’avenir de la production d’électricité nucléaire, les rénovations de plusieurs milliards de dollars des centrales nucléaires de l’Ontario font partie des plus grands projets d’énergie propre à l’heure actuelle. Ces réaménagements permettront de produire de l’électricité sans carbone pendant des décennies.

3. Bâtir un système d’innovation de calibre mondial pour appuyer la relance économique vers la carboneutralité 

Accélérer le rythme de l’innovation écologique au Canada n’est pas seulement un outil important pour atteindre nos objectifs en matière de carboneutralité. Il représente aussi une possibilité économique de taille pour garder notre réputation mondiale de producteur de champions des ressources. Cependant, le temps ne joue pas en notre faveur. Les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, le Japon, la Corée du Sud et d’autres pays investissent rapidement dans des technologies qui faciliteront la transition énergétique. Il est donc urgent d’adopter des politiques propres aux technologies afin d’atteindre les objectifs du Canada en matière de carboneutralité. Vers la fin de l’année dernière, le gouvernement fédéral a jeté les bases dans des domaines comme l’hydrogène, les combustibles à faible teneur en carbone et les petits réacteurs modulaires. Il reste encore beaucoup de travail à faire dans d’autres secteurs comme le captage d’air direct, le stockage de batteries, l’infrastructure d’énergie à faible teneur en carbone et le CUSC. Le gouvernement doit s’impliquer dans chacun de ces domaines en appuyant l’innovation et en facilitant les transformations économiques. 

Le Canada soutient depuis longtemps la recherche fondamentale. Notre pays est reconnu pour ses solides politiques en matière de recherche et de développement et ses niveaux impressionnants de capacité au sein du secteur privé, des organismes gouvernementaux et des laboratoires de recherche, à tout le moins au début de la chaîne d’innovation. Cependant, nous faisons piètre figure comparativement aux pays de l’OCDE pour ce qui est de favoriser la croissance des entreprises novatrices et de développer des entreprises concurrentielles à l’échelle mondiale. 

Le Canada doit opter pour la conception institutionnelle qui correspond le mieux à ses ambitions stratégiques concernant la lutte aux changements climatiques. Pas moins de 16 ministères et organismes fédéraux offrent actuellement un financement pour les technologies propres. Chacune de ces organisations affecte des fonds à des possibilités liées aux technologies propres dans un secteur qui la concerne, par exemple l’agriculture, les pêches, les forêts, les mines, etc. Il en découle une mosaïque de programmes et de subventions qui sèment la confusion plutôt que d’appuyer l’innovation dans l’ensemble de l’économie. 

Le soutien du gouvernement pour l’innovation a donné naissance à d’innombrables technologies ayant mené à des changements en profondeur, dont Internet, le GPS et les piles au lithium. Plus récemment, un effort conjoint entre les organismes gouvernementaux et l’industrie de la biotechnologie a produit la technologie ARNm qui est à la base de plusieurs vaccins contre la COVID-19. Il est maintenant temps pour le Canada de voir grand en ce qui concerne l’innovation énergétique. Adopter une approche axée sur une mission ou un défi pourrait accélérer la commercialisation de technologies, de biens et de services novateurs et accroître nos chances de parvenir à la carboneutralité. Aux États-Unis, l’Advanced Research Projects Agency-Energy (ARPA-E)20 chapeaute des travaux de recherche et de développement liés aux technologies énergétiques de pointe. Le Canada pourrait s’en inspirer.

Il existe un grand nombre d’entreprises en démarrage au Canada qui sont à l’avant-garde de l’innovation en matière de technologies propres. Il est important qu’elles ne subissent pas le sort réservé à de nombreuses entreprises en démarrage qui, après avoir franchi une certaine étape, sont à court de financement et sont achetées par une société étrangère. Dans pareils cas, le Canada perd non seulement une entreprise prometteuse, mais aussi une propriété intellectuelle précieuse et des talents recherchés.

4. Tirer parti de la relation canado-américaine pour renforcer les échanges commerciaux actuels dans le secteur de l’énergie et la collaboration concernant les technologies prometteuses à faible teneur en carbone

Pendant que le Canada et les États-Unis tentent de redynamiser leurs économies après la pandémie, il faudra évidemment consolider notre interdépendance économique de manière à créer de bons emplois et à favoriser une croissance économique forte et durable. La collaboration transfrontalière sera essentielle pour réduire les émissions de GES et miser sur les possibilités à ce chapitre là où les deux pays possèdent des forces et des intérêts comparables. 

La relation canado-américaine en matière d’énergie est cruciale pour assurer la prospérité économique et la sécurité énergétique de chaque pays. Le président Biden l’a d’ailleurs souligné récemment lors de sa première rencontre bilatérale avec le premier ministre Trudeau. Le Canada est leur plus grand fournisseur de pétrole brut et de gaz naturel21 et continuera sans doute de l’être pendant encore plusieurs décennies. Le pétrole lourd est toujours en forte demande, particulièrement pour les raffineries du Midwest américain et le long de la côte américaine du golfe du Mexique, puisqu’elles sont difficilement convertibles en raffineries de pétrole brut plus léger (et qu’elles ont reçu beaucoup moins d’envois de pétrole brut lourd du Mexique et du Venezuela). 

Les exportations canadiennes de gaz naturel liquéfié (GNL) et d’uranium pourraient permettre à des pays d’Asie de diminuer leur dépendance à des sources d’électricité à forte émission de GES.

Les deux pays devraient élaborer une déclaration de principe qui clarifie le rôle que jouera la production de pétrole et de gaz (y compris le transport et l’utilisation) dans l’approvisionnement sûr et stable pour répondre à la demande nationale. Une telle déclaration sera cruciale pour obtenir les capitaux nécessaires au financement d’une part importante des technologies d’énergie propre et d’innovation qui permettront d’atteindre la carboneutralité.

Une comparaison des politiques des deux pays concernant la lutte aux changements climatiques placerait clairement le Canada en tête. L’Alberta et la Colombie-Britannique ont été les premiers gouvernements en Amérique du Nord à mettre en œuvre une tarification de la pollution par le carbone, en 2007 et 2008 respectivement, et la politique à cet égard est considérablement plus sévère au Canada. Parmi les gouvernements ayant un bassin d’hydrocarbone important, l’Alberta est le premier au monde à imposer une limite des émissions de GES sur ce bassin. Le Canada, et particulièrement l’Alberta, a pavé la voie en ce qui concerne les cibles de la réduction du méthane. 

Il pourrait y avoir des secteurs où il est logique pour le Canada et les États-Unis de faire cavaliers seuls, mais dans la plupart des cas, une harmonisation des stratégies de transition profitera aux deux pays. Comme il est indiqué dans la Feuille de route pour un partenariat renouvelé États-Unis–Canada22, les principales possibilités comprennent les suivantes : 

Infrastructures d’électricité propre transfrontalières. Le commerce bilatéral d’électricité est considérable et s’intensifiera en raison du désir de l’administration Biden de mettre un terme à la dépendance des États-Unis à l’électricité produite par les centrales de charbon. La capacité électrique excédentaire dans plusieurs provinces pourrait contribuer à relever ce défi de manière rentable. Le Canada devrait chercher à obtenir rapidement de l’administration Biden des garanties au sujet de sa volonté d’améliorer les infrastructures électriques transfrontalières.

Diriger la communauté mondiale vers une plus grande action climatique. Au cours de leur récente rencontre, le premier ministre Trudeau et le président Biden ont convenu d’accroître leurs cibles actuelles pour les GES en 2030 et ont demandé aux autres pays d’emboîter le pas, y compris par un engagement explicite d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. 

Le Canada et les États-Unis peuvent travailler de concert pour élaborer des règles qui permettront de mettre en œuvre l’article 6 de l’Accord de Paris, qui vise à faciliter le commerce international des crédits d’émissions. La création de marchés internationaux pour le carbone réduirait les coûts globaux des réductions des émissions et permettrait aux pays en développement de rehausser leurs ambitions climatiques. Le Canada pourrait aussi gagner en notoriété s’il prenait des mesures pour aider d’autres pays à réduire leurs émissions. Par exemple, les exportations canadiennes de gaz naturel liquéfié (GNL) et d’uranium pourraient permettre à des pays d’Asie de diminuer leur dépendance à des sources d’électricité à forte émission de GES. 

Une idée issue de l’Union européenne et maintenant sérieusement envisagée par l’administration Biden consiste à imposer des mécanismes d’« ajustement aux frontières » sur les importations à plus forte consommation de carbone provenant de pays qui semblent prendre des mesures insuffisantes pour réduire leurs émissions de GES. Ce concept d’ajustement aux frontières soulève de nombreuses questions, notamment les critères en fonction desquels les pays seraient évalués, l’organisme qui aurait la tâche de procéder à l’évaluation et la question de savoir si un tel système cadre avec les règles internationales contre le protectionnisme. Il faudrait une approche commune pour vérifier l’intensité des émissions des pays dont les exigences en matière de production de rapports ne sont pas aussi rigoureuses qu’au Canada. Néanmoins, le gouvernement fédéral a indiqué que le Canada avait l’intention d’examiner la possibilité de recourir à ce mécanisme. Nous devons donc absolument harmoniser étroitement nos efforts avec les États-Unis en ce qui concerne le développement d’un tel système afin qu’il n’y ait pas de mauvaises surprises susceptibles de nuire aux principales exportations du Canada et/ou avoir des effets négatifs sur la compétitivité des grands secteurs industriels. 

Collaboration concernant les principales technologies à faibles émissions de carbone. Le Canada devrait travailler étroitement avec les États-Unis sur les grandes possibilités comme l’hydrogène, le CUCS, les minéraux critiques, les carburants à faible teneur en carbone, les réseaux intelligents, le gaz naturel renouvelable, la technologie nucléaire et les PRM. Les deux pays devraient notamment échanger des pratiques exemplaires, harmoniser les normes réglementaires, optimiser les chaînes d’approvisionnement transfrontalières et collaborer à des travaux de recherche et développement axés sur les technologies les plus prometteuses et qui seraient parrainés par les deux gouvernements. Le Canada doit également s’assurer que ses politiques fiscales visant à encourager les investissements en recherche et en développement et dans les technologies feront concurrence à celles des États-Unis (par exemple, sur les crédits d’impôt pour la production de CUCS et de carburants à faible teneur en carbone et les investissements à ces chapitres). 

Harmonisation des efforts pour un avenir de véhicules à émission zéro. Le Canada et les États-Unis ont promis de travailler ensemble pour mettre au point les chaînes d’approvisionnement nécessaires qui leur permettront de devenir des chefs de file à l’échelle mondiale dans tous les aspects liés au développement et à la production de batteries, y compris pour les véhicules électriques. La Feuille de route pour un partenariat renouvelé États-Unis–Canada a également souligné la nécessité de « prendre des mesures stratégiques coordonnées et rapides » pour favoriser le passage à des véhicules à émission zéro23. Le Canada doit absolument travailler étroitement avec les États-Unis sur le développement d’une chaîne d’approvisionnement nord-américaine pour les batteries, tout en veillant à ce que les politiques réglementaires visant une adoption accrue des véhicules à émission zéro (VEZ) soient harmonisées.

5. Étendre l’avantage nord-américain dans l’industrie automobile pour inclure la production de VEZ et de systèmes de batteries connexes 

Le secteur des transports est responsable du quart des émissions de GES du Canada. Un peu moins de la moitié de cette proportion provient de camions légers et de véhicules de promenade. Une adoption à grande échelle des VEZ, et particulièrement des véhicules électriques à batterie (VEB), est une étape critique pour atteindre la carboneutralité.

En ce moment, les VEZ jouissent d’un engouement important au Canada. Au cours des derniers mois, et avec le soutien financier des gouvernements fédéral et ontarien, Ford, General Motors et Stellantis (anciennement Fiat Chrysler) ont consenti de nouveaux investissements totalisant 5,7 milliards de dollars dans les usines canadiennes d’assemblage automobile, principalement pour produire des VEB. En janvier, General Motors a indiqué qu’il cesserait progressivement la production de véhicules à essence et qu’il vendrait exclusivement des VEB d’ici 2035. D’autres fabricants emboîtent le pas. Les Canadiens tardent toutefois à acheter des VEZ. En 2020, de tels véhicules représentaient moins de 4 p. 100 des nouveaux achats de véhicules automobiles et de camions légers, et seulement 0,7 p. 100 du nombre total de véhicules sur la route24.

Le gouvernement fédéral et certains gouvernements provinciaux offrent des incitatifs pour l’achat de VEZ et devront probablement continuer de le faire jusqu’à ce que le prix des VEZ s’apparente à celui d’un véhicule à essence semblable. Entretemps, les fabricants et les gouvernements ont du travail à faire pour renseigner les consommateurs sur les plus faibles coûts d’exploitation d’un VEB pendant sa durée de vie et pour dissiper la supposée « angoisse d’autonomie ». Le manque de bornes de chargement des véhicules constitue également un obstacle à l’adoption à grande échelle de VEZ. À l’heure actuelle, il existe plus de 12 000 stations d’essence au Canada, mais seulement 980 bornes de chargement rapide (celles qui sont capables d’offrir une charge complète en moins d’une heure)25. Suncor et Shell, entre autres, investissent massivement dans des bornes de chargement. Avec l’aide financière des gouvernements fédéral et provinciaux, la situation s’améliorera sans contredit au fil du temps. 

L’adoption à grande échelle de véhicules à zéro émission, et particulièrement des véhicules électriques à batterie, constitue une étape critique vers la carboneutralité.

Les marchés canadiens et américains de l’automobile entretiennent des liens très étroits, qui s’accentueront vraisemblablement en raison de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) récemment entériné. Comparativement à l’entente précédente, l’ALENA, l’ACEUM impose des exigences plus sévères aux fabricants pour qu’ils se procurent du matériel et des pièces en Amérique du Nord. L’industrie est très compétitive; le Canada doit donc déployer tous les efforts possibles pour demeurer une destination de choix pour les fabricants de VEZ et de composantes connexes. Heureusement, comme nous l’avons indiqué plus tôt, le Canada possède de vastes quantités de plusieurs minéraux nécessaires à la fabrication de batteries automobiles, notamment le lithium, le cobalt, le graphite et le nickel.

Le gouvernement et l’industrie doivent travailler de concert pour s’assurer que l’accès aux minéraux critiques, les travaux de recherche et de développement concernant la chimie des batteries et le développement de logiciels de VEB sont des secteurs où l’avantage national est comparable. Dans la foulée de la « feuille de route », le Canada devrait travailler avec l’administration Biden pour s’assurer de mettre au point un cadre permanent solide qui appuie les investissements dans l’assemblage de véhicules électriques au Canada et qui renforce le réseau de la chaîne d’approvisionnement. Le Canada devrait intensifier son engagement à harmoniser les normes nord-américaines en matière d’émissions et de sécurité, et tâcher d’éviter les règles ou les mandats infranationaux (des États ou des provinces) qui sont sources de confusion ou de dédoublements.

6. Faire de la transformation de notre industrie pétrolière et gazière une priorité nationale

La chute des prix du pétrole qui a commencé en 2014, combinée aux réductions de la demande énergétique occasionnées par la pandémie, a entraîné de lourdes conséquences pour le secteur pétrolier et gazier du Canada. Plusieurs milliers d’emplois ont été abolis, et des milliards de dollars en investissements ont été perdus. Le Canada doit se doter dans les plus brefs délais d’une stratégie économique favorisant les investissements du secteur privé dans les industries de la production qui contribuent à la création d’emplois et à un meilleur rendement sur le plan environnemental. Un secteur pétrolier et gazier sain est essentiel pour fournir les capitaux nécessaires à la recherche de solutions novatrices et à l’adoption de technologies à plus faibles émissions de GES. Même avec des prix relativement faibles, les exportations de pétrole ont généré 62 milliards de dollars de profits nets pour le Canada en 2019, ce qui est de loin supérieur aux exportations de tout autre produit26. Comme l’a si bien dit l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, « les opposants à un secteur pétrolier et gazier fort ne sont pas conscients que ces recettes sont nécessaires pour financer la transition écologique de nos produits énergétiques. . . . C’est un secteur que l’on ne peut ignorer; il doit être transformé et recevoir les incitatifs fiscaux appropriés pour financer sa conversion vers une énergie propre27 ».

Les six dernières années ont poussé les sociétés canadiennes du secteur de l’énergie à réduire les coûts et à se tourner vers l’innovation. Les prix se raffermissent au fur et à mesure que les restrictions liées à la pandémie s’assouplissent et la plupart des experts croient que la demande nord-américaine reviendra probablement à des niveaux s’apparentant à ceux précédant la pandémie. Les récentes prévisions de l’Agence internationale de l’énergie laissent entendre que la demande mondiale augmentera également au cours de la prochaine décennie en raison de la population croissante et des revenus de plus en plus élevés dans les économies émergentes et en développement, avant d’atteindre un plateau vers les années 203028. Le Canada devrait tenter de saisir une plus grande part de cette demande à la lumière des coûts, de la fiabilité, de sa capacité à innover et de son rendement en matière d’ESG. La politique du Canada en matière d’énergie et d’action climatique peut soit contribuer, soit nuire à ces efforts.

Les grandes sociétés canadiennes du secteur innovent dans le but de réduire les émissions et plusieurs se sont fixé l’objectif organisationnel d’atteindre la carboneutralité. L’industrie investit dans des solutions à faibles émissions de carbone dans l’ensemble de la chaîne de valeur, qu’il s’agisse de l’efficience énergétique, de la numérisation, du transport ou des nouvelles technologies de récupération des ressources. Le secteur représente environ 75 p. 100 des dépenses des entreprises canadiennes en matière de technologies propres29. Des organisations comme la Canadian Oil Sands Innovation Alliance et le Réseau d’innovation pour les ressources propres (RIRP) servent de plaques tournantes pour la collaboration intersectorielle sur les technologies prometteuses et les solutions environnementales. L’industrie des sables bitumineux met au point des procédés d’extraction à base de solvants qui diminuent l’utilisation de gaz naturel, ainsi que d’autres technologies visant à réduire l’intensité des émissions de la production en amont. L’intensité des émissions par baril a chuté de 21 p. 100 depuis 2009, et une baisse supplémentaire de 23 p. 100 devrait se produire d’ici 203030.

Comme nous l’avons indiqué ailleurs dans le présent document, des capitaux seront de plus en plus consentis aux entreprises qui démontrent un engagement ferme envers leurs employés, l’environnement et les collectivités dans lesquelles elles exercent leurs activités. En 2018, un rapport publié par BMO Capital Markets a dressé un classement des grands pays producteurs de pétrole en fonction des cotes combinées par rapport à trois indices mondiaux liés aux ESG. Le Canada occupe la deuxième place, derrière la Norvège31.

Le gouvernement fédéral devrait s’appuyer sur le programme de l’Alberta, Bitumen Beyond Combustion32 et travailler en partenariat avec l’industrie pour voir quelles sont les possibilités d’utiliser le bitume à d’autres fins que la combustion. Par exemple, la transformation du bitume en fibre de carbone, un matériau puissant et léger qui est de plus en plus recherché pour des applications dans le domaine de l’aérospatiale et de l’automobile, des turbines éoliennes, des additifs concrets, des bicyclettes et de nombreux autres produits, représente une occasion de taille. 

L’industrie canadienne de l’énergie peut être un joueur clé dans le développement et l’utilisation d’hydrogène à faibles émissions de carbone, en raison des grandes quantités de gaz naturel dont il dispose et de son expertise dans les technologies de captage et de stockage de carbone. L’industrie peut tirer parti du vaste réseau canadien de distribution de l’énergie, ce qui lui évitera d’être obligé de créer de nouvelles infrastructures, lesquelles ont nécessairement un impact social et environnemental, et d’accélérer la transition vers des carburants à faible teneur en carbone. 

L’occasion nous est ainsi donnée d’exploiter davantage nos ressources énergétiques à forte valeur ajoutée, dont les gaz naturels liquéfiés, les produits pétrochimiques et les plastiques ultramodernes. Le gaz naturel liquéfié (GNL) du Canada peut jouer un rôle important pour aider certains pays d’Asie à délaisser les centrales au charbon et à recourir au gaz naturel à faibles émissions de carbone pour la production d’électricité. Le Canada peut grandement contribuer à la lutte mondiale contre les changements climatiques en exportant de manière responsable l’énergie produite, ainsi que les technologies et l’expertise canadiennes. 

7. Accroître le réseau d’électricité propre

La production et l’offre d’électricité propre seront des éléments clés pour atteindre les objectifs du Canada en matière de carboneutralité. Le Canada possède un énorme avantage par rapport à d’autres pays pour ce qui est de sa capacité à produire de l’électricité propre. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, notre réseau est déjà formé à 82 p. 100 d’énergie qui ne dégage pas de GES33. Le Canada est le troisième au monde pour ce qui est de la production hydroélectrique, derrière le Brésil et la Chine, et possède de vastes sources inexploitées d’énergie renouvelable comme l’énergie solaire, éolienne, géothermique et marémotrice. L’énergie nucléaire représente un pilier du réseau électrique de la province la plus peuplée du pays, totalisant 60 p. 100 de la production de base de l’Ontario.

Pour s’appuyer sur ses forces, le Canada doit se concentrer sur quatre objectifs intimement liés : la production d’électricité propre à l’échelle; le maintien de réseaux électriques fiables pendant que de nouvelles technologies de production font leur apparition; la production efficace d’électricité propre afin d’appuyer des applications nouvelles et existantes; le maintien de l’électricité en tant que forme d’énergie rentable dans toutes les régions du pays.

Produire de l’électricité propre à l’échelle. Le Canada continue d’assister à une énorme croissance dans le secteur de la production d’électricité renouvelable, puisque l’énergie éolienne et solaire deviennent compétitives avec d’autres formes de production. Jusqu’à maintenant, le soutien du gouvernement pour le secteur de l’électricité visait principalement à réduire les coûts de ces technologies. Il est maintenant temps de se concentrer sur la prochaine génération de technologies propres. Le secteur privé travaille activement avec le gouvernement sur le CUSC, le nucléaire (y compris les petits réacteurs modulaires) et l’hydrogène, entre autres technologies. Les politiques publiques devraient tenter d’abaisser les coûts de ces technologies au cours des prochaines décennies afin de réduire le total des émissions du pays sans nuire à la compétitivité du Canada. 

Préserver la fiabilité. L’énergie éolienne, solaire et d’autres technologies de production fournissent de l’électricité de manière intermittente. L’adoption rapide de ces technologies, pendant l’abandon graduel du charbon, pose des défis pour les gouvernements qui tentent de préserver la fiabilité du réseau électrique. Adapter à plus grande échelle les nouvelles technologies comme l’énergie distribuée, les microréseaux, le stockage de batteries à grande échelle et l’hydrogène, contribuera à s’assurer que l’énergie sûre et fiable est toujours offerte aux consommateurs à des coûts raisonnables à plus long terme. Entretemps, l’hydroélectricité et le gaz naturel continueront d’être les éléments de base de la production électrique dans plusieurs provinces canadiennes. Les gouvernements devraient s’assurer que le gaz naturel peut encore jouer ce rôle pendant que le coût des nouvelles technologies diminue. L’utilisation continue du gaz naturel ne pose pas une menace pour l’objectif de carboneutralité du Canada dans un avenir prévisible. En fait, en combinaison avec le CUSC et l’hydrogène, le gaz naturel peut jouer un rôle critique dans une économie à émission zéro. 

Offrir de l’électricité. De nouveaux liens régionaux entre les provinces partenaires pourraient mettre une plus grande quantité d’énergie renouvelable à la disposition des provinces qui dépendent encore des sources d’électricité émettant des GES. La boucle de l’Atlantique, ou l’initiative Énergie propre de l’Atlantique, en est un bon exemple. En fournissant une nouvelle capacité de transmission pour l’excédent d’hydroélectricité du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador, le projet accélère la fermeture des dernières centrales au charbon de la Nouvelle-Écosse. Cela aura pour effet de renforcer les réseaux régionaux, permettra le déploiement de nouvelles ressources éoliennes et solaires et servira d’important stimulus économique pour la région. Une stratégie semblable, mais plus vaste concernant l’électricité dans l’Est du Canada pourrait accroître l’approvisionnement d’électricité propre à la Nouvelle-Angleterre, pour compenser l’électricité des centrales au charbon. Les investissements dans ces réseaux de distribution et autres sont une situation gagnante pour le Canada; ils stimulent la croissance économique tout en réduisant les émissions de GES. 

Maintenir les coûts à un niveau concurrentiel. L’utilisation croissante de l’électricité pour les transports, le chauffage et le refroidissement des bâtiments et dans l’industrie nécessite une augmentation massive et sans précédent de la capacité de production, ainsi que de l’infrastructure connexe. Certains experts prédisent que le Canada aura besoin de tripler sa production d’électricité propre d’ici 205034. Le défi sera de s’assurer que les nouveaux approvisionnements d’électricité sont abordables. Autrement, les gouvernements risquent de se heurter à une opposition importante de la population. La compétitivité des industries visées par les efforts de décarbonisation pourrait aussi s’en trouver affaiblie.

Si les décideurs canadiens accordent une priorité claire au maintien des faibles coûts de l’électricité, le Canada pourra, grâce à ses ressources énergétiques et ses technologies, atteindre la carboneutralité tout en renforçant la compétitivité économique. 

8. Permettre la participation significative des Autochtones à l’économie de l’énergie propre 

La transition vers une économie à faibles émissions de carbone représente une occasion sans précédent de favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones grâce à des partenariats avec le secteur privé dans le développement responsable des ressources.

Les industries canadiennes de l’énergie et des ressources sont les plus grands employeurs des peuples autochtones et les plus importantes sources de marchés avec les entreprises autochtones. Dans le secteur des forêts seulement, il existe plus de 1 400 entreprises autochtones. Les peuples autochtones contrôlent près de 10 p. 100 de l’approvisionnement en bois du pays35. Dans les dernières années, un nouveau partage de recettes et des partenariats financiers ont vu le jour entre le secteur privé et des communautés autochtones. En 2017, par exemple, la Première Nation de Fort McKay et la Première Nation crie Mikisew ont acquis une participation de 49 p. 100 (équivalant à plus de 500 millions de dollars) dans le projet d’agrandissement du Parc de stockage Est de Suncor Énergie. En outre, plusieurs coalitions autochtones ont manifesté l’intérêt d’acheter le pipeline Trans Mountain du gouvernement fédéral.

De plus en plus, les communautés autochtones veulent non seulement avoir une part des recettes tirées des ressources - elles veulent aussi en faire l’acquisition. La propriété leur offre la possibilité d’améliorer la vie de leurs membres tout en veillant à ce que le développement économique préserve les intérêts sociaux, culturels et environnementaux qui leur sont propres. C’est particulièrement pertinent pour les collectivités éloignées qui désirent négocier des projets conjoints afin de développer des sources d’énergie renouvelable, mettant ainsi un terme à leur dépendance à l’électricité produite avec du diesel et d’autres carburants.

Les peuples autochtones devront avoir accès à du capital de risque compétitif pour pouvoir investir conjointement dans des projets d’envergure. Plus le nombre de projets augmentera, plus il faudra renforcer leurs capacités et les aider à gérer et à négocier leur participation à de tels projets et à en évaluer les mérites. L’Alberta Indigenous Opportunities Corporation est une nouvelle initiative de taille, mais on peut faire davantage pour aider les Autochtones à conclure des partenariats dans le cadre de projets de ressources naturelles.

Le gouvernement fédéral devrait nommer un groupe d’experts formé de chefs d’entreprises et de dirigeants financiers autochtones pour examiner des façons novatrices de financer des entreprises appartenant à des Autochtones et veiller à leur fournir un accès à du capital de risque qui leur permettra d’investir dans des projets d’envergure. Entre autres, une évaluation devrait être menée pour déterminer si la Banque de l’infrastructure du Canada peut jouer un rôle plus important, et un examen des pratiques exemplaires devrait être effectué pour créer des partenariats financiers dans des initiatives visant à réduire les émissions de carbone et dans d’autres projets d’infrastructures.

9. Prioriser un plan d’action national de résilience et d’adaptation aux changements climatiques

Les répercussions des changements climatiques se font déjà ressentir au Canada. Dans les dernières années, les collectivités canadiennes ont fait l’expérience d’un nombre accru d’inondations et de feux de forêt, en plus de subir des chaleurs extrêmes et d’assister à des augmentations du niveau de la mer et au dégel du pergélisol. Les coûts sont considérables. Parmi les dix pires années pour ce qui est des pertes des compagnies d’assurances dans l’histoire du Canada, huit s’inscrivent dans la dernière décennie. En 2020, les pertes des compagnies d’assurance associées aux catastrophes naturelles totalisaient 2,4 milliards de dollars36. Si les températures moyennes devaient augmenter de 2 °C au niveau mondial, les scientifiques prédisent que le Canada se réchaufferait de 4 °C en moyenne et le Nord, du double37. Le plan Un environnement sain et une économie saine consacre seulement une page et demie aux risques liés au climat, ce qui n’est pas suffisant compte tenu de l’ampleur du défi.

Les entreprises canadiennes souhaitent ardemment protéger les citoyens contre les pires effets des changements climatiques. Leurs activités et leurs employés dépendent des infrastructures de transport du pays, soit les ports, les ponts, les routes, les chemins de fer, etc. Les perturbations climatiques posent de graves risques pour l’économie.

L’engagement du gouvernement fédéral d’élaborer la première stratégie nationale d’adaptation constitue une étape positive. Le processus doit prévoir la participation des gouvernements provinciaux et locaux, des employeurs, des communautés autochtones et d’autres intervenants. Entretemps, les décideurs devraient agir dans les plus brefs délais afin de mieux préparer les Canadiens aux effets d’un climat changeant :

Améliorer notre capacité à fixer le prix des risques que pose le climat. L’accès à des données crédibles est essentiel pour attribuer un prix approprié aux risques que pose le climat et prendre des décisions fondées sur des données probantes. Malheureusement, ces données sont largement insuffisantes au Canada. Le gouvernement fédéral devrait mettre en œuvre la recommandation du Groupe d’experts sur la finance durable de créer un centre canadien d’information et d’analyse climatiques. 

Multiplier les mesures pour atténuer les inondations. Les inondations constituent le risque climatique le plus coûteux pour les Canadiens. Dans les dernières années, l’Association canadienne de normalisation et le Conseil national de recherches du Canada ont mis au point des normes pour atténuer les risques d’inondation pour le secteur résidentiel, les aménagements de nouvelles collectivités, les collectivités résidentielles existantes et les parcs industriels. Le gouvernement fédéral devrait appuyer l’adoption de ces normes. Il devrait également travailler avec les provinces pour préserver l’infrastructure naturelle existante, comme les zones humides et les forêts en milieu urbain, et restaurer dans la mesure du possible ce qui a été perdu. Au cours du siècle dernier, le sud du Canada a perdu environ de 60 à 80 p. 100 de ses zones humides au profit de secteurs résidentiels, de terres agricoles et d’autres formes de développement, ce qui accentue les risques d’inondations38

Appuyer l’atténuation des risques d’incendie. Les incendies sont le deuxième risque climatique le plus coûteux pour les Canadiens. Par conséquent, le gouvernement fédéral devrait appuyer le programme Intelli-feu, qui limitera les risques d’incendie dans les résidences et les collectivités situées dans des zones sujettes aux incendies.

Réduire le coût de futures catastrophes naturelles en investissant dans une infrastructure résiliente.
Administrés par Sécurité publique Canada, les Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC) représentent le principal mécanisme permettant au gouvernement d’offrir un soutien aux provinces et aux territoires en cas de catastrophe naturelle d’une grande ampleur. Les futurs paiements dans le cadre de ce programme peuvent être réduits grâce aux initiatives suivantes : 

Exiger que la Banque de l’infrastructure du Canada cerne des occasions de financer des projets d’infrastructure aidant les municipalités à s’adapter aux changements climatiques; 

Fournir un financement accru aux municipalités afin de bâtir une infrastructure résiliente et d’améliorer leur capacité de gérer les niveaux croissants des eaux de ruissellement;

Exiger des collectivités, pour qu’elles soient admissibles aux AAFCC, qu’elles se dotent de cartes à jour sur les zones à risque d’inondations.

Attribuer à la nature sa juste valeur. Le gouvernement fédéral devrait travailler avec le secteur privé et les conseils de normes comptables pertinents afin d’élaborer une stratégie qui reconnaît le rôle que peut jouer la nature pour appuyer l’engagement des entreprises envers la carboneutralité. Le but devrait être de déterminer des principes et d’élaborer des lignes directrices pertinents pour permettre aux entreprises de compenser leur empreinte carbone en ajoutant des actifs naturels à leurs bilans.

10. Préparer notre effectif à exceller dans une économie à faibles émissions de carbone 

Bâtir un effectif ayant la bonne combinaison de compétences pour répondre au défi zéro émission exigera des investissements continus et une adaptation des entreprises canadiennes, ainsi que des partenariats solides avec le gouvernement et des établissements d’enseignement postsecondaire. Selon des recherches menées par Clean Energy Canada et Navius, le nombre d’emplois dans le secteur de l’énergie propre au Canada devrait passer de 298 000 à près de 560 000 d’ici 203039. La plupart de ces nouveaux emplois seront probablement dans le secteur des transports puisque les entreprises tentent de répondre à la demande croissante pour des véhicules électriques, des autobus et des réseaux de transport en commun. Les efforts visant à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels et commerciaux et à accroître la capacité en matière d’énergie propre et de réseaux de distribution stimuleront également la création d’emplois. Avec les compétences et les qualifications appropriées, la main-d’œuvre canadienne sera en mesure de tirer pleinement profit de ces occasions.

Les universités et les écoles de métiers du Canada sont reconnues à juste titre pour attirer et former des talents de calibre mondial. Les chercheurs universitaires aident à cerner les premiers signes des effets des changements climatiques, tout en trouvant de nouveaux moyens de décarboniser les industries actuelles et de mettre au point de nouvelles utilisations commerciales pour le carbone. Les chefs d’entreprises canadiens reconnaissent le rôle essentiel que jouent les établissements d’enseignement postsecondaire dans l’atteinte de la carboneutralité et le développement d’innovations commerciales. 

Le Canada affiche l’un des plus hauts taux de diplomation postsecondaire et possède l’un des systèmes d’immigration les plus efficaces au monde. Ces forces devraient nous permettre d’attirer et de former les talents dont nous avons besoin pour prospérer dans une économie à faibles émissions de carbone. Les secteurs du pétrole et du gaz et des ressources du Canada emploient également des nombres importants de travailleurs hautement qualifiés dont les connaissances et l’expérience seront nécessaires pour assurer la transition vers l’énergie propre. Les décideurs doivent être conscients, cependant, de la nécessité d’adopter des politiques appropriées pour les transitions relatives aux emplois et des programmes de recyclage professionnel. Les stratégies du Canada relatives aux compétences doivent en outre tenir compte du nombre croissant de personnes retraitées dans plusieurs secteurs. Dans le secteur élargi de la construction et de l’entretien, par exemple, près de 260 000 travailleurs, soit plus d’un cinquième de l’effectif actuel, prendront vraisemblablement leur retraite au cours de la prochaine décennie40.

Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent travailler en partenariat avec le secteur privé, les universités et les collèges en vue de s’assurer que les travailleurs canadiens possèdent les compétences nécessaires pour appuyer la transition vers la carboneutralité.

11. Faire du Canada un marché de choix pour la finance durable 

Les grandes entreprises du Canada reconnaissent depuis longtemps que leurs responsabilités s’étendent bien au-delà de l’optimisation des profits et de la valeur pour les actionnaires. Tant dans leurs activités courantes que dans leurs stratégies à long terme, elles portent une attention particulière aux intérêts des employés, des clients, des collectivités et d’autres intervenants. Les entreprises canadiennes font partie des chefs de file en ce qui a trait au rendement sur les plans environnemental, social et de la gouvernance (ESG). Elles s’efforcent notamment de réduire leur empreinte environnementale, de protéger la santé, la sécurité et le bien-être de leurs employés et des collectivités environnantes, et d’adopter de solides pratiques en matière de gouvernance pour que les buts de l’entreprise et la supervision de la gestion cadrent pleinement avec leurs obligations sociales. 

Comme les préoccupations concernant les changements climatiques ont explosé dans les dernières années, la pression sur les institutions financières et les grandes entreprises s’est aussi accrue pour qu’elles évaluent comme il se doit les risques que peuvent poser les changements climatiques pour leurs futurs projets et pour la société. À l’échelle internationale, le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques a été créé en 2017. Il avait pour mandat d’élaborer un cadre visant à aider les entreprises et les institutions financières à mettre au point un ensemble uniforme d’informations pour évaluer les risques associés aux changements climatiques et en faire état41. De tels risques incluent les phénomènes météorologiques graves, les pertes d’assurance, les dommages aux infrastructures, les perturbations aux chaînes d’approvisionnement, etc. Ce qui est tout aussi préoccupant pour les entreprises produisant beaucoup d’émissions de GES, ce sont les risques pour leur réputation, les obligations juridiques et réglementaires croissantes, les nouvelles technologies, les préférences changeantes des consommateurs et les dynamiques des marchés, ainsi que le délaissement éventuel d’actifs.

En novembre 2020, huit des plus grands régimes de pensions du Canada ont émis une déclaration demandant aux entreprises de mieux divulguer leurs pratiques ESG42. Ainsi, et grâce à d’autres canaux, les entreprises doivent de plus en plus expliquer comment elles évaluent à l’interne les possibilités et les risques relatifs au climat, les structures mises en place pour gérer les risques et l’harmonisation de leur stratégie de gouvernance et d’affaires avec un avenir zéro émission. 

Les possibilités et les risques pour une entreprise dépendront d’un vaste éventail de dynamiques du marché, des options technologiques et des attentes des consommateurs.

Les marchés financiers robustes du Canada et ses institutions financières fortes et stables l’ont aidé à relever les défis économiques qui se sont succédé. Le pays est bien positionné pour assumer un rôle de chef de file dans le nouveau domaine de la finance durable, en partie grâce à ses vastes régimes de pensions, à des investisseurs institutionnels spécialisés et à des bassins de capitaux privés.  Le rapport de 2018 du Groupe d’experts sur la finance durable43, présidé par M. Tiff Macklem, maintenant gouverneur de la Banque du Canada, a proposé certaines recommandations réfléchies et pratiques afin d’optimiser cette possibilité.

Les recommandations en matière de divulgation formulées par le Groupe de travail précité sont largement reconnues comme étant la norme internationale par excellence pour la transparence concernant les risques que posent les changements climatiques. Il est donc essentiel de réfléchir à leur mise en œuvre au Canada. Nous sommes d’accord avec la conclusion du Groupe d’experts : nous avons besoin d’une approche canadienne adaptée à nos circonstances particulières et les mesures de divulgation au Canada devraient être progressivement adoptées au cours des prochaines années, à commencer par les plus grandes entreprises. De plus, les mesures devraient reposer sur une approche visant à se conformer aux exigences ou à fournir des explications en cas de non-conformité.  Par ailleurs, le Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers de l’Ontario a récemment recommandé une approche progressive pour la mise en œuvre des recommandations du Groupe d’experts fondées sur la capitalisation boursière de l’entreprise44.

Cela dit, les risques climatiques sont un sujet extrêmement complexe. Les possibilités et les risques pour une entreprise dépendront d’un vaste éventail de dynamiques du marché, des options technologiques et des attentes des consommateurs. Ils peuvent varier considérablement selon le secteur d’activité de l’entreprise (énergie, forêts, acier, mines). De plus, il faut améliorer les compétences et la formation dans ce domaine spécialisé afin de s’assurer que les entreprises disposent des ressources internes et externes dont elles ont besoin pour mener une analyse sur les risques climatiques et en faire état. Nous sommes également d’accord avec le Groupe d’experts concernant la nécessité d’adopter une disposition refuge pour que les entreprises évitent les risques de responsabilité civile s’ils se fient à des « renseignements prospectifs » qui ne sont en fait que des scénarios spéculatifs.

Dans son Énoncé économique de l’automne 2020, le gouvernement fédéral a indiqué qu’il prévoyait mettre sur pied un conseil d’action public-privé en matière de finance durable pour orienter les mesures fédérales visant à accroître les divulgations liées au climat et à élaborer des normes pour des investissements durables. Nous nous réjouissons de cette annonce et nous espérons qu’elle témoigne de l’intention du gouvernement de conclure un partenariat solide avec le secteur privé dans ce domaine. Il devrait d’abord nommer de hauts dirigeants d’entreprises pour siéger à ce conseil, puis créer des groupes de travail avec des représentants du secteur privé qui ont une expertise dans les domaines des finances et des opérations afin d’élaborer certaines de ces mesures de façon détaillée.

Dans un monde où la finance durable et les pratiques ESG prennent de plus en plus d’importance, les gouvernements et le secteur privé doivent travailler ensemble en vue de positionner le pays comme une destination de choix pour de nouveaux investissements liés aux objectifs de carboneutralité. Les entreprises canadiennes doivent continuer à démontrer qu’elles évaluent, gèrent et communiquent adéquatement les possibilités et les risques que posent les changements climatiques pour leur future prospérité. 

12. Mobiliser les principaux secteurs économiques en vue d’élaborer des stratégies relatives à la carboneutralité propres aux divers secteurs 

Une voie crédible vers la carboneutralité exigera des investissements massifs et soutenus du secteur privé, qui ne seront possibles que dans un contexte stratégique stable et prévisible. L’annonce par le gouvernement fédéral de la hausse de la tarification du carbone à 170 $ par tonne d’ici 2030 est un récent exemple de prévisibilité des politiques. Cependant, on doit faire beaucoup plus pour ce qui est du contexte stratégique général, y compris former un partenariat entre les secteurs public et privé afin d’élaborer des stratégies visant la carboneutralité propres à certains secteurs45. Ce sera particulièrement important pour les secteurs où il sera difficile et coûteux de réduire les émissions. Nous présentons ci-dessous d’autres idées pour des politiques dans des secteurs économiques clés.

Bâtiments et efficacité énergétique. Les bâtiments résidentiels et commerciaux représentent 13 p. 100 des émissions de GES du Canada46. Il est avantageux pour le Canada qu’une part considérable des bureaux et des immeubles commerciaux au pays soit détenue par un nombre relativement restreint de grandes institutions, y compris les volets immobiliers de grands régimes de pensions. Ensemble, ces institutions ont réalisé d’importants progrès dans les dernières années en ce qui concerne l’efficacité énergétique et les améliorations aux enveloppes de bâtiments, y compris l’obtention du statut LEED. De plus, certaines entreprises de services énergétiques offrent maintenant un financement aux propriétaires d’immeubles pour que ces derniers modernisent leurs bâtiments, en prévoyant le remboursement du capital et des fonds sur plusieurs années grâce aux économies réalisées. Pour sa part, la Banque de l’infrastructure du Canada a consenti deux milliards de dollars à des modernisations de grande envergure. Toutefois, il reste du travail à faire pour atteindre les objectifs ambitieux visés par les gouvernements fédéral et provinciaux. 

Pour le propriétaire moyen, les modernisations énergétiques sont assorties de coûts initiaux importants, qui pourraient être difficiles à financer, et de longues périodes de remboursement grâce aux économies d’énergie. Au fil des ans, les gouvernements fédéral et provinciaux ont lancé plusieurs programmes pour inciter les propriétaires de maison à investir dans l’efficacité énergétique. Les résultats ont été mitigés. À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral, par l’entremise de l’initiative Maisons plus écologiques, offrira jusqu’à 700 000 subventions pouvant atteindre 5 000 $ pour aider les propriétaires à apporter des améliorations écoénergétiques. Il s’est également engagé à réaliser jusqu’à un million d’évaluations écoénergétiques gratuites dans le cadre du programme ÉnerGuide et s’efforce d’accroître le nombre de vérificateurs du programme. En tout, le plan Un environnement sain et une économie saine promet 2,6 milliards de dollars sur sept ans pour aider les propriétaires de maison à rendre leur résidence plus écoénergétique. Selon nous, le gouvernement devrait élargir le programme ÉnerGuide pour y inclure des évaluations sur le risque d’inondation. Comme les inondations touchant les résidences sont le risque de phénomène météorologique extrême le plus coûteux pour les Canadiens, on pourrait ainsi créer un programme de guichet unique pour l’efficacité énergétique résidentielle et la protection contre les inondations.  

Le gouvernement devrait accélérer ses efforts pour créer un répertoire du cycle de vie des matériaux de construction afin de mesurer leur teneur en carbone, d’en faire l’étiquetage et la divulgation publique.

Il ne faut surtout pas sous-estimer la possibilité de réduire les émissions de GES grâce à de nouvelles constructions et à des rénovations en profondeur, qui signifient généralement une modernisation des systèmes énergétiques d’un bâtiment. Les émissions résidentielles peuvent être réduites de 50 à 90 p. 100 grâce à une combinaison d’une meilleure isolation, de thermopompes à air et pompes géothermiques, de nouvelles technologies écoénergétiques et de technologies à plus faibles émissions de carbone et d’optimisation du contrôle47. Les incitatifs durables et à long terme, le financement et les programmes de crédits d’impôt seront nécessaires pour encourager les promoteurs à participer au défi zéro émission et à inciter les consommateurs à y adhérer. 

Encore une fois, pour atteindre la carboneutralité, les décideurs devront aller au-delà des approches éprouvées dans le passé. Aux Pays-Bas, le programme Energiesprong (bond énergétique) aide les familles à rénover leurs maisons sans sacrifier leurs économies ou leur mode de vie. Le programme crée des maisons à zéro émission en installant de nouvelles technologies comme des façades préfabriquées, des toits isolés à l’aide de panneaux solaires et des systèmes de chauffage intelligents. Lorsque les travaux sont achevés, la maison est capable de produire toute l’énergie requise pour le chauffage, la production d’eau chaude et les appareils électriques. Les coûts des rénovations sont financés par de futures économies réalisées sur l’énergie en plus des dépenses prévues au budget pour l’entretien et les réparations sur plus de 30 ans.

Le gouvernement fédéral peut déployer plus d’efforts pour travailler avec les provinces afin d’inciter les propriétaires à apporter des améliorations écoénergétiques. La publication et l’adoption de codes énergétiques par niveau de carboneutralité devraient se faire plus rapidement pour que les promoteurs de nouveaux bâtiments puissent commencer à travailler vers l’atteinte de ces objectifs. Afin d’assurer la souplesse et la rentabilité, les codes devraient être axés sur les résultats plutôt que sur l’équipement ou des technologies en particulier. Pour les bâtiments existants, le gouvernement devrait se fier à la recommandation du Groupe d’experts sur la finance durable, qui a demandé qu’on instaure « un programme d’étiquetage et de divulgation publique à participation obligatoire pour accroître la transparence du rendement des bâtiments canadiens ». Finalement, bien que certains progrès aient été réalisés. Le gouvernement devrait accélérer ses efforts pour créer un répertoire du cycle de vie des matériaux de construction afin afin de mesurer, d’étiqueter et d’afficher publiquement leur teneur en carbone, d’en faire l’étiquetage et la divulgation publique. 

L’industrie et la fabrication. Les quelque 90 000 fabricants canadiens sont responsables de 10 p. 100 du PIB du pays et de plus des deux tiers des exportations de biens du pays48. Ils emploient aussi directement 1,7 million de Canadiens et soutiennent indirectement trois millions d’emplois supplémentaires49

Pendant plusieurs années, l’industrie a été confrontée à de faibles niveaux d’investissement, une productivité en baisse et une demande réduite pour des exportations de produits fabriqués au Canada. La pandémie n’a fait qu’aggraver la situation, entraînant des perturbations des chaînes d’approvisionnement et une demande nationale à la baisse pour de nombreux produits. Qui plus est, la politique climatique du Canada menace de faire augmenter les coûts liés à l’entrepreneuriat et de nuire au contexte concurrentiel. Plusieurs entreprises canadiennes produisent et échangent des produits à fortes émissions de GES, livrant une concurrence à des entreprises situées dans des pays ayant des exigences moins sévères sur le plan environnemental. En raison des politiques qui défavorisent grandement nos entreprises par rapport aux coûts, la production pourrait simplement se faire dans ces pays, ce qui se traduira par une « fuite de carbone ». Les répercussions des coûts sur les principaux compétiteurs aux États-Unis sont particulièrement importantes. Malgré les grandes ambitions de l’administration Biden relatives aux changements climatiques, le président n’a pas fait campagne pour imposer une tarification nationale sur le carbone. Il est également peu probable qu’une telle politique soit proposée par le Congrès. 

Bien qu’une tarification prévisible sur le carbone envoie un signal politique efficace et fiable, le secteur de la fabrication du Canada bénéficierait d’une série complète de mesures visant à appuyer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et à renforcer sa capacité à faire concurrence sur la scène mondiale. Les fonds provenant des régimes fédéraux et provinciaux de tarification de la pollution par le carbone basés sur les extrants devraient être utilisés pour faciliter les efforts de décarbonisation de l’industrie. La première recommandation des Tables sectorielles de stratégies économiques mises sur pied par le gouvernement fédéral était de s’assurer que le Canada se dote d’une réglementation « agile » qui protège les Canadiens et l’environnement tout en tirant profit de la réglementation pour qu’elle devienne un avantage concurrentiel50. Une combinaison de politiques réglementaires intelligentes et de soutien gouvernemental pour éliminer les risques associés aux investissements dans les technologies prometteuses est cruciale pour s’assurer que l’industrie canadienne puisse prospérer dans un monde carboneutre. 

Malgré les défis mentionnés plus haut, on peut se montrer optimiste. Le Canada accueillera la première usine de démonstration d’aluminerie carboneutre et on note d’importantes percées technologiques pour produire du ciment et de l’acier à faibles émissions de carbone. L’industrie minière du Canada produit plusieurs métaux et minéraux utilisés dans la production d’électricité renouvelable. Entretemps, l’industrie des produits chimiques et des plastiques innove pour fournir aux Canadiens et Canadiennes les produits dont ils ont besoin et dont l’empreinte environnementale est réduite.

L’agriculture. Pour respecter l’objectif de développement durable des Nations Unies d’éliminer la faim d’ici 2050, l’industrie de l’agriculture au niveau mondial devra nourrir deux milliards de personnes supplémentaires et elle devra le faire en réduisant son impact sur l’environnement. Le Canada compte des sociétés agroalimentaires de renommée mondiale, y compris la première grande entreprise alimentaire au monde à devenir carboneutre : Les Aliments Maple Leaf 51. Le pays produit en outre plusieurs cultures alimentaires essentielles. Les entreprises canadiennes de renommée mondiale qui œuvrent dans le domaine des technologies liées à l’agriculture et aux engrais travaillent avec des agriculteurs du monde entier pour accroître les récoltes et offrir aux consommateurs des aliments ayant des effets environnementaux beaucoup moins dommageables.

Qu’il s’agisse de la production de récoltes ou de la gestion des animaux d’élevage, les entreprises canadiennes adoptent les meilleures stratégies pour réduire les émissions, tout en continuant à répondre aux demandes mondiales en matière de sécurité alimentaire. Le bœuf canadien a l’une des empreintes d’émissions de GES les plus faibles au monde52. La potasse canadienne est produite en utilisant 70 p. 100 moins d’émissions de GES que celle d’autres pays53, ce qui en fait l’une des plus durables au monde.

Les percées scientifiques et dans le secteur de la chimie des cultures sont essentielles pour surmonter les défis associés à la production d’un plus grand volume alimentaire par acre avec des émissions réduites. Des sociétés comme Nutrien et Terramerra aident les producteurs du monde entier à adopter des pratiques agricoles progressistes qui améliorent la santé des sols, augmentent leur capacité naturelle à capter le carbone et réduisent le besoin d’utiliser des pesticides, tout en augmentant les récoltes et la rentabilité. L’agriculture régénératrice, la culture sans labours et la plantation d’arbres sur des terres agricoles ne sont que quelques-unes des options possibles pour réduire les émissions dans ce secteur.

Le nitrogène est crucial pour la production de cultures saines et peut même accroître le volume des récoltes. Or, la fabrication de nitrogène et son utilisation dans les champs produisent des GES. Il faudra continuer d’innover pour atteindre des réductions importantes dans ces secteurs. 

Il existe une panoplie d’options technologiques pour réduire les émissions issues de la production d’engrais. En les combinant à l’application rigoureuse d’engrais dans les champs, on peut raccourcir le cycle de vie complet des émissions liées à la production agricole. La technologie de CUSC permettrait de réduire considérablement les émissions, mais il faudrait que le gouvernement offre des incitatifs pour assurer sa rentabilité. On pourrait aussi avoir recours à de nouvelles technologies de production pour émettre moins de GES.

Afin d’optimiser le potentiel du secteur agricole, le gouvernement fédéral devrait travailler avec l’industrie pour élaborer conjointement un cadre réglementaire qui appuie la croissance des entreprises canadiennes et fait progresser les occasions susceptibles de réduire les émissions à long terme. Un marché de crédits de carbone robuste et accessible permettrait aux entreprises de de saisir les occasions qui se présentent pour réduire les émissions à long terme.

Les forêts. La gestion des forêts est depuis longtemps reconnue par la communauté internationale comme un volet essentiel pour atteindre les buts de durabilité et atténuer les effets des changements climatiques. Le Canada possède la plus vaste superficie de forêts indépendantes (168 millions d’hectares) et s’avère un chef de file dans ce secteur54. Les forêts gérées de manière durable et pérenne, de concert avec les produits du bois qui en découlent, sont des outils clés pour appuyer la transition du Canada vers une économie carboneutre d’ici 2050. L’industrie forestière plante plus de 600 millions de semences par année et le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 3 milliards de dollars pour planter deux autres milliards d’arbres au cours de la prochaine décennie. En surveillant les futurs effets des changements climatiques sur nos forêts et en plantant les bons arbres aux bons endroits, nous pouvons contribuer à atténuer ces effets et à accroître la résilience des forêts.

Le secteur canadien des produits forestiers est résolu à éliminer 30 mégatonnes (Mt) de CO2 par année d’ici 2030, ce qui représente environ 13 p. 100 de la cible du gouvernement fédéral pour atténuer les effets des changements climatiques55. Plus de deux milliards de dollars ont été investis jusqu’à maintenant dans des solutions écologiques (coproduction). Ces investissements ont réduit l’intensité des émissions de GES aux usines de près de 70 p. 100 depuis le début des années 1990; les usines de pâtes et papier du Canada figurent parmi les plus faibles émetteurs de GES dans le monde56. Le secteur a investi massivement dans des technologies pour développer des capacités de prochaine génération en matière de bioraffinerie et de produits biosourcés qui peuvent avantageusement remplacer des matériaux à plus fortes émissions de GES. Les biocarburants représentent une source d’énergie de plus en plus importante pour les collectivités éloignées qui dépendent toujours du diesel et d’autres types de mazout. 

Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent accélérer leurs efforts pour élaborer une stratégie nationale qui permette d’améliorer la gestion des forêts, de réaliser le potentiel de la bioéconomie forestière et de tenir compte des politiques réglementaires intelligentes. Et ce faisant, le Canada et le monde entier disposeraient de davantage de produits forestiers issus de sources durables, ce qui nous rapprocherait tous de notre objectif de carboneutralité. 

Réduire les émissions liées au transport grâce aux carburants à faibles émissions de carbone. Les Canadiens dépendent des carburants liquides pour le transport depuis près de 125 ans. De nos jours, la gazoline, le diesel et le carburant d’aviation sont disponibles en tout temps grâce à un système pancanadien sophistiqué, qui est l’aboutissement de milliards de dollars d’investissements et de décennies d’innovation57. Les transports représentent l’une des plus grandes sources d’émissions de GES au Canada et la demande provenant de ce secteur devrait augmenter en même temps que la croissance démographique et celle du PIB58. Réduire l’empreinte carbone des carburants que nous utilisons contribuera en grande partie à la transition vers la carboneutralité. 

Les carburants conventionnels, appuyés par des mandats actuels de biocarburants, demeureront essentiels pour répondre aux demandes des Canadiens dans les secteurs des transports et de l’énergie pendant que nous continuons de développer et d’adapter d’autres carburants pour l’avenir. Entretemps, le rendement environnemental des carburants liquides continuera de s’améliorer et les entreprises canadiennes continueront d’innover et de créer une plus grande diversité de carburants. 

L’avenir carboneutre du Canada exigera le recours à divers carburants pour desservir plusieurs modes de transport. Des carburants plus propres signifient une plus faible intensité carbonique, par exemple, grâce à un plus grand mélange de biocarburants. À l’heure actuelle, les cultures agricoles comme le maïs et le canola constituent les principaux éléments pour la production de biocarburants liquides. Ces derniers sont souvent désignés comme des carburants de substitution puisqu’ils peuvent être utilisés dans les infrastructures actuelles et les réseaux de transport existants. En ce moment, cinq provinces ont des mandats de carburants renouvelables qui exigent que l’essence contienne jusqu’à 10 p. 100 d’éthanol et de 5 à 10 p. 100 de biodiesel dans le diesel. Le Règlement sur les combustibles propres du gouvernement fédéral propose d’établir les exigences de teneur en éthanol et en biodiesel à 15 et à 5 p. cent, respectivement, d’ici 2030.

Les éléments servant à la production de biocarburants devraient afficher une croissance pendant que les secteurs de l’agriculture, des forêts et de la gestion des déchets du Canada continuent d’innover et de cerner un plus grand nombre de produits qui peuvent être transformés à l’aide du combustible de pétrole conventionnel. Les combustibles synthétiques, aussi connus sous les noms de carburants électriques ou d’énergie liquide, représentent un autre secteur d’innovation. Ils sont créés au moyen du CO2 capté et de l’hydrogène vert ou bleu. Les combustibles synthétiques sont compatibles avec les véhicules actuels et l’infrastructure pour le carburant liquide. Ils peuvent alimenter en carburant les transports aérien et ferroviaire, et celui des camions lourds, quand une forte densité énergétique est requise et que l’électrification n’est pas une option viable. Au fil du temps, les gouvernements et l’industrie devront mettre au point des stratégies propres aux divers secteurs pour permettre aux grands utilisateurs de carburant commercial d’opter efficacement et de manière rentable pour une autre solution.

Les carburants dits de « seconde génération » sont issus de matières non comestibles, soit d’herbes, de biomasse, de bois ou d’autres résidus. À l’heure actuelle, l’approvisionnement de tels biocarburants est insuffisant pour avoir un impact sur la totalité des émissions produites par les véhicules. Ces biocarburants ne sont pas rentables non plus par rapport aux carburants traditionnellement utilisés pour les transports. Il faudra investir massivement et mener beaucoup de recherches pour surmonter ces défis. À partir de maintenant, les décideurs doivent vraiment viser à faire des carburants à faibles émissions de carbone une solution pratique et rentable pour remplacer les combustibles conventionnels. 

Conclusion

Outre un plan cohérent, exhaustif et ambitieux, le pays doit se doter d’un nouveau message intéressant au sujet des possibilités que pourrait saisir le Canada et de ses responsabilités vers l’atteinte de la carboneutralité. Une vision positive et inclusive axée sur la relance conjointe de l’économie et des mesures de lutte contre les changements climatiques peut orienter les politiques gouvernementales, inciter le secteur privé et les innovateurs canadiens à agir, et inspirer et motiver la population canadienne. 

Les dirigeants canadiens peuvent s’appuyer sur notre avantage sur les plans de l’énergie et des ressources, ce qui comprend : des réserves importantes de matières essentielles pour la transition vers une économie à faibles émissions de carbone; des antécédents dans le développement d’énergie à faible teneur de carbone et de technologies visant à réduire les émissions de GES; des réseaux électriques qui émettent relativement peu d’émissions; des processus de réglementation et d’approbation sévères; des normes élevées dictant la conduite éthique des entreprises; et le fait que plusieurs de nos grandes entreprises des secteurs de l’énergie et des resssources sont des champions sur le plan de ESG au niveau mondial. 

Tout au long de la pandémie, un grand nombre d’entreprises canadiennes ont prouvé qu’elles pouvaient innover et faire volte face pour répondre aux besoins et aux priorités des Canadiens et Canadiennes. Nous devons prendre la balle au bond et tirer profit de cette créativité du secteur privé et s’assurer d’avoir le cadre financier et d’innovation qui permet à la fois aux industries existantes de réinventer leurs produits et procédés, et aux nouvelles entreprises novatrices de se développer et de commercialiser des technologies plus écologiques. Le milieu des affaires canadien est prêt à faire sa part et à appuyer l’objectif du pays d’atteindre la carboneutralité.

Nous estimons qu’il est urgent d’agir de la bonne façon et qu’il faudra repenser la façon de financer de nombreux projets et activités qui seront nécessaires partout au pays pour atteindre notre objectif. Le présent document contient plusieurs idées susceptibles d’accroître la capacité du secteur public à appuyer d’importantes occasions de réduire les émissions de GES et à adopter une nouvelle approche qui fera en sorte que nos efforts de recherche donneront lieu à des réussites commerciales. 

Le premier vrai test aura lieu au printemps, lors du dépôt du budget fédéral. Le gouvernement fédéral doit envoyer un message clair qu’il est prêt à travailler en partenariat avec le secteur privé et à faire les investissements sans précédent qui s’imposent. Il devra également se servir d’un cadre stratégique cohérent pendant qu’il cherche à rehausser les visées du pays en matière de lutte aux changements climatiques en préparation pour le sommet sur les changements climatiques qui se tiendra plus tard cette année et qui réunira 26 pays.

De nombreux pays feront concurrence au Canada pour attirer des investissements dans de futures solutions à faibles émissions de carbone. Certains diront que le Canada accuse déjà du retard, mais nous ne sommes pas de cet avis, pour les raisons mentionnées dans le présent document. Quoi qu’il en soit, ce sont les mesures que nous prendrons désormais qui comptent.

Citations

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