Publié dans le Toronto Star

La situation actuelle de l’emploi au Canada est un amalgame du bon, de la brute et du truand. Bien que la création d’emplois semble généralement reprendre, la pandémie continue de marteler les secteurs axés sur le service tels que la vente au détail, les voyages et l’accueil.

Pire encore, le nombre de chômeurs de longue date (ceux qui ne travaillent pas depuis au moins six mois) au Canada est à la hausse. Selon la CIBC, près d’un travailleur canadien sans emploi sur trois entre maintenant dans cette catégorie. Ce taux est deux fois plus élevé qu’avant la crise et est même supérieur au point culminant observé pendant la récession de 2008-2009.

Plus longtemps ces personnes resteront sans travail, plus il leur sera difficile de réintégrer la population active. Nombre d’entre elles auront perdu à jamais l’emploi qu’elles occupaient. Les jeunes et les travailleurs à faible salaire déplacés, en particulier, peuvent devoir se recycler afin d’être aptes à occuper un emploi dans les industries où les possibilités sont plus nombreuses.

Il reste manifestement beaucoup à faire si le gouvernement fédéral souhaite atteindre son objectif de créer un million d’emplois et de ramener le pays aux mêmes niveaux qu’avant la pandémie.

Heureusement, nous disposons des outils nécessaires pour réagir devant l’évolution rapide du marché du travail. D’un bout à l’autre du pays, les employeurs et les établissements postsecondaires ont réalisé des progrès dans ce que l’on appelle le recyclage et le perfectionnement des compétences – le processus consistant à mettre à niveau les compétences des travailleurs pour qu’ils puissent saisir de nouvelles et de meilleures possibilités d’emploi.

Les initiatives de recyclage et de perfectionnement des compétences peuvent souvent adoucir les revers d’un ralentissement économique, car elles dotent les travailleurs déplacés des outils nécessaires pour occuper un emploi dans une industrie nouvelle ou en expansion. Elles peuvent également aider les employeurs à créer des effectifs plus souples, ce qui assure l’adoption de technologies permettant d’accroître la productivité et des pratiques commerciales les plus récentes.

Lorsque la crise de la COVID-19 a frappé, des entreprises et des travailleurs d’un large éventail de domaines ont été obligés de faire face aux besoins changeants du jour au lendemain. Qu’il s’agisse du représentant commercial qui a dû apprendre à clore des transactions à distance ou des travailleurs d’une usine de fabrication de pièces d’automobiles auxquels on a soudainement fait appel pour fabriquer des ventilateurs, la réussite dépendait de la polyvalence et de la capacité d’adaptation. 

Tandis que la pandémie s’assouplit, une telle mentalité peut contribuer à réduire le chômage et à favoriser la résilience dans le marché du travail au Canada. La clé consiste à créer les systèmes et les programmes adéquats pour aider les travailleurs à ne pas se laisser distancer par les changements continus en milieu de travail, à se tourner progressivement vers de nouveaux emplois et à s’adapter aux besoins évolutifs des entreprises.

En voici quelques exemples :

  • Palette Skills est un organisme sans but lucratif qui aide les travailleurs d’industries ébranlées qui en sont à la mi-carrière à développer la littératie numérique dont ils ont besoin pour se tourner vers des emplois à forte demande dans l’économie de l’innovation. Les participants reçoivent une formation intensive, rapide et ciblée dans un environnement où les employeurs peuvent jouer un rôle actif.
  • Nutrien, dont le siège social est situé à Saskatoon, est l’une des principales entreprises de fabrication d’engrais. Elle a transformé ses opérations de détail pour se démarquer dans le secteur des technologies agricoles. Les 3 500 agronomes et plus de Nutrien ont dû apprendre de nouvelles façons d’effectuer leur travail à l’aide d’outils numériques et de données afin d’aider les clients à prendre de meilleures décisions plus opportunes.
  • EllisDon, une entreprise de services de construction appartenant aux employés, prévoit une augmentation de la demande de ses services au cours des prochaines années et prend maintenant des mesures afin de s’y préparer. Elle a lancé des webinaires afin de perfectionner les compétences techniques des nouveaux travailleurs ou de ceux moins expérimentés. Elle met également en place des programmes de perfectionnement en leadership afin de s’assurer que la main-d’œuvre actuelle peut intégrer et gérer la prochaine génération d’employés qui se joindra à l’entreprise au fur et à mesure qu’elle se développera. 

L’élément commun de ces programmes? Ils reposent tous sur les besoins réels de l’entreprise. Toutefois, pour surmonter les défis actuels du Canada en matière de chômage et créer la main-d’œuvre de demain, nous ne pouvons pas simplement compter sur quelques programmes de recyclage ciblés et initiatives de formation internes. Les employeurs, les gouvernements et les éducateurs doivent unir leurs forces afin d’élaborer des programmes de formation à grande échelle qui aideront les travailleurs à se tourner graduellement vers de nouveaux emplois ou à assumer de nouvelles tâches avec succès.

L’appui du secteur public sera particulièrement essentiel pour les petites et moyennes entreprises dont les ressources sont insuffisantes pour lancer leurs propres programmes de recyclage internes. Pour certains, il sera plus logique de mettre en place des initiatives visant à aider les entreprises et les travailleurs d’une seule industrie. Pour d’autres, il pourrait être plus approprié d’adopter une approche intersectorielle axée sur les compétences qui sont rares dans de nombreuses industries. D’une manière ou d’une autre, les employeurs doivent participer activement à la conception des programmes et avoir des intérêts en jeu pour en assurer leur réussite.

L’OCDE estime que 1,1 milliard d’emplois dans le monde, soit près du tiers de tous les emplois à l’échelle internationale, sont susceptibles de subir des changements radicaux en raison de la technologie au cours de la prochaine décennie. Notre pays n’échappera pas à cette transformation. Nous devons nous y mettre dès maintenant afin de nous assurer que les Canadiens sont prêts à faire face à la nature changeante du travail et du milieu de travail.