Mémoire du Conseil canadien des affaires au ministère des Finances du Canada en réponse aux crédits d’impôt à l’investissement proposés pour les technologies propres.

Le gouvernement fédéral s’est fixé comme objectif de réduire les émissions de carbone de 40 à 45 % d’ici 2030 et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Il s’agit d’engagements importants qui nécessiteront une coopération permanente entre les gouvernements et le secteur privé. Il est urgent de bien faire les choses. Les émissions absolues du Canada doivent diminuer d’environ 32 à 37 % en moins de sept ans, alors que notre intensité des émissions de GES par habitant reste l’une des plus élevées de l’OCDE1,2.

D’autres pays s’efforcent d’acquérir un avantage comparatif dans le domaine des technologies respectueuses du climat. Le mois dernier, le président américain Joe Biden a célébré le premier anniversaire de sa loi phare, la loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act [IRA]) qui permet d’attirer au pays les technologies propres du monde entier dans un avenir prévisible.

 Il ne faut pas sous-estimer la rapidité et l’ampleur de l’approche américaine en matière de déblocage des investissements. En fait, une analyse récente souligne que 270 nouveaux projets de technologies propres ont déjà été annoncés aux États-Unis dans le cadre de la loi, et que plus de 130 milliards de dollars devraient être investis au cours des deux prochaines années3. En fin de compte, l’IRA devrait injecter des milliers de milliards de dollars dans la transition énergétique des États-Unis4.

Les investissements nécessaires à la réalisation de l’ambition de carboneutralité du Canada sont estimés à environ 2 000 milliards de dollars, mais les niveaux d’investissement d’une année sur l’autre restent bien en deçà de la réalité et doivent être multipliés par 5,5 à 8,5 par rapport à leur niveau actuel5,6. Un partenariat étroit entre les gouvernements et le secteur privé est nécessaire pour renforcer la compétitivité des ressources naturelles et de la base manufacturière du Canada, et pour créer des possibilités permettant aux innovateurs dans le domaine des technologies propres d’accroître leur part de marché, tant au niveau national qu’à l’étranger. Le moment est venu pour le Canada de jouer un rôle de chef de file dans l’effort mondial de lutte contre le changement climatique.

Le Conseil canadien des affaires est d’accord avec les experts, les leaders d’opinion et les économistes qui s’entendent de plus en plus sur le fait que le gouvernement doit concentrer sa capacité budgétaire limitée sur la compétitivité économique et les besoins de décarbonation les plus pressants du pays. Dans le cadre du budget de 2023 et de travaux antérieurs, le gouvernement fédéral a donné des indications sur les domaines dans lesquels le secteur privé peut rivaliser pour obtenir des capitaux en proposant des crédits d’impôt à l’investissement (CII) dans cinq domaines spécifiques : le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC), l’hydrogène, les technologies propres, la fabrication de technologies propres et l’électricité propre.

Bien qu’importants, les CII ne peuvent à eux seuls générer le niveau d’investissement dont le Canada a besoin pour atteindre ses objectifs climatiques. Ils ne constituent pas non plus la base d’une politique économique audacieuse conçue pour stimuler une croissance économique durable et améliorer la compétitivité des entreprises canadiennes. Le Canada dispose de tous les ingrédients nécessaires pour devenir une destination de choix pour les investissements verts susceptibles de réduire les émissions ici et à l’étranger, mais il ne dispose pas actuellement d’une politique claire et d’incitations fiscales pour attirer les capitaux nécessaires pour soutenir ses objectifs de réduction des émissions. La réalisation du véritable potentiel du pays nécessitera une vision plus large dans laquelle de nombreuses politiques travaillent de concert pour stimuler l’investissement, développer les talents et les compétences, accélérer l’approbation des projets et accroître les dépenses en matière de recherche et développement et de sciences appliquées.

Néanmoins, les CII proposés offrent une occasion importante de combler ou au moins de réduire l’écart entre les coûts de construction de nouveaux projets de décarbonation au Canada et ceux d’autres pays. Leur succès dépendra de leur capacité à débloquer un niveau sans précédent de capitaux du secteur privé et à positionner les entreprises canadiennes comme des producteurs compétitifs d’innovations et de technologies propres. Pour ce faire, le gouvernement doit proposer des conditions claires et réalisables qui permettent aux entreprises de profiter pleinement des avantages offerts par chaque CII. Il est tout aussi important que le gouvernement clarifie son intention de soutenir les dépenses opérationnelles par le biais d’une taxe, d’une politique de tarification du carbone ou de garanties de financement public.

Bien que cette consultation soit axée sur un ensemble particulier de CII, le Conseil exhorte le gouvernement à travailler en étroite collaboration avec l’industrie pour confirmer ses intentions de soutenir des occasions de croissance propre par le biais de la politique fiscale ou d’autres programmes sur des marchés tels que la biomasse, les biocarburants, le carburant d’aviation durable et les minéraux critiques tels que l’aluminium et l’uranium.

La consultation du ministère des Finances du Canada offre une occasion immédiate de clarifier plusieurs aspects du nouveau régime des CII. Nous présentons respectueusement les commentaires suivants au nom de nos membres.

La finalisation des CII est une nécessité urgente

Le gouvernement fédéral s’est engagé à développer des CII pour les technologies propres dans ses trois derniers budgets. À ce jour, aucun n’est en vigueur, ce qui réduit leur capacité à soutenir les décisions définitives d’investissement à court terme. Par exemple, le gouvernement s’est engagé à développer un CII pour le CUSC dans le budget 2021. Cet engagement a été accueilli avec enthousiasme et représentait une occasion de combler le déficit économique de l’investissement dans le captage du carbone au Canada par rapport à d’autres pays.

Les entreprises, les groupes d’intérêt et les autres parties prenantes se sont empressés de participer à de nombreuses consultations et exercices pour aider à façonner la conception d’un CII susceptible de positionner le Canada en tant que chef de file mondial en matière de technologies et de déploiement de CUSC. Pourtant, environ deux ans plus tard, les entreprises et les investisseurs continuent d’attendre des réponses sur la façon dont le CII traitera des investissements précis (par exemple, l’équipement de précombustion, les investissements dans des projets transnationaux), tandis que le budget de 2023 a ajouté une nouvelle exigence de consultation pour la main-d’œuvre et les salaires en vigueur.

Alors que des projets de loi ont été publiés pour le CUSC et les technologies propres, les CII pour l’hydrogène, la fabrication propre et l’électricité propre (y compris le nucléaire) restent conceptuels et sont d’une utilité limitée pour les entreprises ou les investisseurs mondiaux qui envisagent des projets au Canada. Les retards dans la finalisation des règles et des modalités de chaque CII par le biais de la loi ont pour effet de geler les capitaux et de diminuer la capacité du Canada à atteindre ses objectifs de réduction des émissions et à remplir des engagements importants tels que l’exportation d’hydrogène propre vers l’Allemagne d’ici à 20 257.

Le Canada se trouve dans une situation de concurrence mondiale pour les investissements dans l’économie à faibles émissions de carbone, et il donc très important d’agir rapidement. Des dizaines de milliards de dollars d’investissement dépendent de la capacité du ministère des Finances du Canada à agir rapidement pour finaliser les CII et à créer un dossier commercial pour l’investissement dans les technologies propres au Canada. Nous exhortons les décideurs politiques à collaborer avec les entreprises et la communauté des investisseurs afin d’agir rapidement et de finaliser les modalités de tous les CII.

Assurer la simplicité

Un an seulement après son entrée en vigueur, l’IRA a permis au secteur privé d’investir des milliards de dollars dans les VZE et la technologie des batteries, les énergies renouvelables, l’hydrogène, les biocarburants et le CUSC. Comparativement, le régime des CII au Canada demeure nouveau, avec des investissements notables dans la transition énergétique grâce à des programmes phares tels que le Fonds stratégique pour l’innovation (FSI) et des dépenses publiques spécifiques.

Le succès de l’IRA n’est pas une coïncidence. Les décideurs politiques américains ont délibérément réorganisé la structure des crédits d’impôt du pays en concevant des incitations qui offrent aux entreprises une prévisibilité et une clarté à long terme. La plupart des crédits d’impôt étant en place pour au moins dix ans, les investisseurs, les fabricants, les services publics et les concepteurs ont suffisamment de temps pour planifier et construire des projets jusque dans les années 2030. En outre, le fait de garantir que la valeur totale des crédits ne commencera à diminuer qu’une fois que les objectifs de réduction des émissions auront été atteints dispense le Congrès de l’exercice fastidieux de laisser les crédits expirer périodiquement pour être renouvelés à la dernière minute. La nature générale du régime américain et la possibilité de transférer les crédits d’impôt à toute personne soumise à l’impôt sont également des éléments clés du succès de l’IRA.

Le Conseil craint que les caractéristiques de conception des CII du Canada soient trop complexes et incompatibles avec l’objectif d’utiliser la politique fiscale pour attirer des niveaux d’investissement plus élevés. Les dispositions de récupération, les différents calendriers de retrait progressif, les critères d’admissibilité étroits et peu clairs, les exigences de partage des connaissances et un risque élevé d’audit ne sont que quelques-unes des dispositions qui pourraient décourager les entreprises et les investisseurs d’utiliser les CII. Entre-temps, des questions subsistent quant au cumul de certains CII entre eux et avec des programmes fédéraux tels que le FSI et des projets soutenus par la Banque de l’infrastructure du Canada, le Fonds de croissance du Canada ou les gouvernements provinciaux.

CII pour l’électricité propre

Il est évident qu’un réseau électrique deux fois plus grand d’ici 2050 sera nécessaire pour électrifier nos maisons, nos immeubles, nos entreprises et nos pratiques industrielles de longue date8. Il convient de féliciter le ministère des Finances du Canada d’avoir créé un crédit d’impôt pour soutenir l’investissement dans de nouvelles capacités de production, de stockage et de transport d’électricité par le biais du CII proposé pour l’électricité propre. Toutefois, le Conseil craint que l’obligation pour une autorité compétente de s’engager à atteindre l’objectif de carboneutralité du gouvernement fédéral dans le secteur de l’électricité n’aille trop loin et ne politise inutilement l’utilisation de la politique fiscale. Une telle exigence constituera un obstacle politique qui retarde plutôt qu’il n’accélère l’investissement dans de nouvelles formes de capacité électrique ou dans les domaines qui en ont le plus besoin. Si elle n’est pas définie correctement, cette exigence pourrait également empêcher les producteurs d’électricité indépendants d’investir dans des projets d’électricité dans une province ou un territoire qui ne s’est pas engagé à atteindre l’objectif fédéral de carboneutralité.

Il convient de noter que l’IRA constitue un investissement fédéral novateur dans l’énergie propre qui n’impose pas d’objectif contraignant de réduction des émissions ou d’engagement politique comme condition de participation. Nous encourageons le gouvernement à suivre l’exemple des États-Unis et à supprimer

l’obligation proposée pour une autorité compétente de s’engager à atteindre l’objectif de carboneutralité. Le ministère des Finances du Canada devrait également simplifier les directives pour les entreprises privées et les opérateurs indépendants afin de construire de nouveaux actifs ou d’augmenter les actifs existants qui réduisent les émissions et répondent aux nouvelles demandes d’électricité propre.

CII pour l’hydrogène propre

Plusieurs membres du Conseil ont un grand intérêt à poursuivre les technologies de production d’hydrogène et saluent les efforts du gouvernement pour concevoir un crédit d’impôt basé sur une approche du cycle de vie « du berceau à la porte ». Le ministère des Finances du Canada doit trouver un juste équilibre, en fixant des niveaux d’intensité carbonique ambitieux pour l’hydrogène, qui sont réalistes et flexibles, en prenant en considération le carbone relatif d’un réseau local. Une approche trop prescriptive qui permet l’accès à l’avantage fiscal le plus élevé sur la base de l’intensité de carbone la plus faible pourrait minimiser le potentiel du Canada à devenir un producteur à grand volume et à faible coût d’hydrogène abordable.

L’approche visant à mesurer les divers procédés de production d’hydrogène devrait être neutre sur le plan technologique et tenir compte d’un éventail plus large de technologies, telles que la pyrolyse ou la gazéification, à condition que les exigences appropriées en matière d’intensité carbonique soient respectées. Les exigences du Canada en matière d’intensité carbonique doivent être alignées sur les meilleures pratiques internationales et cohérentes avec les modèles largement utilisés et acceptés aux États-Unis et en Europe. Cela sera d’autant plus important que les principaux partenaires commerciaux, tels que l’Union européenne, adopteront en septembre leur politique d’ajustement carbone aux frontières pour l’hydrogène.

Enfin, les caractéristiques de conception présentées dans le budget de 2023 ne tiennent pas suffisamment compte des dépenses liées à l’ammoniac ou à d’autres dérivés utilisés pour transporter l’hydrogène, comme le méthanol. L’exclusion des dépenses liées au transport du CII pour l’hydrogène constituerait une lacune qui entraverait le potentiel du Canada à devenir un grand producteur et exportateur d’hydrogène.

Le ministère des Finances du Canada doit envoyer un signal de marché clair et crédible, en précisant les détails de ses CII. Plus vite il le fera, plus vite les entreprises pourront investir dans les technologies et les équipements émergents.

Maintenir une vaste couverture et permettre la formation de capital par le biais de partenariats diversifiés

Les projets de technologies propres sont intégrés et aucun projet ne peut être réalisé sans ses éléments constitutifs. En réalité, les budgets des projets comprennent des coûts qui vont au-delà de la technologie spécifique.

Le ministère des Finances du Canada devrait veiller à ce qu’un large éventail d’immobilisations soit admissible dans le cadre de chaque CII. Les actifs devraient inclure une gamme de technologies propres ainsi que l’équipement et l’infrastructure nécessaires pour soutenir les grands projets, tels que les routes dédiées, les structures de construction, l’électricité et les installations de traitement de l’eau. En veillant à ce que les CII couvrent un large éventail de projets, on contribuera à égaliser les conditions de concurrence avec les États-Unis et à mieux positionner le Canada en tant que destination de choix pour les investissements dans les technologies émergentes de production d’énergie propre.

Les entreprises et les investisseurs ont prouvé leur capacité à créer des partenariats et des consortiums destinés à saisir des occasions de projets. Les nouveaux partenariats n’ont pas d’antécédents fiscaux et ne pourront pas générer de revenus tant que leurs projets ne seront pas opérationnels, ce qui pourrait prendre plusieurs années. Les investisseurs qui cherchent à tirer parti des CII peuvent être limités par le fait que les partenariats ou les consortiums peuvent inclure des entités dont le niveau d’assujettissement à l’impôt est variable. De tous les CII, seul le CII pour l’électricité propre est accessible aux entités non imposables. Bien qu’il s’agisse d’un premier pas dans la bonne direction, le ministère des Finances du Canada devrait veiller à ce que tous les propriétaires et toutes les formes de partenariats, y compris les groupes exonérés d’impôt tels que les peuples autochtones, puissent bénéficier des CII proposés. Cela permettrait de libérer le plein potentiel des groupes autochtones désireux de réaliser des projets de technologies propres, tout en faisant progresser l’engagement du Canada en faveur de la réconciliation économique.

Rapprocher les calendriers des projets et des CII

Les projets de technologies propres ont souvent des calendriers de réglementation, d’autorisation et de construction longs et imprévisibles, typiques des projets d’infrastructure modernes au Canada. Le gouvernement fédéral a reconnu le défi que représente la construction de grands projets au Canada et s’est engagé, dans le budget de 2023, à présenter un plan visant à améliorer l’efficacité des processus d’approbation des projets et de délivrance des permis d’ici la fin de cette année9.

Les retards imprévus des projets introduisent un risque binaire que les promoteurs de projets gèrent par le biais de leurs relations avec les prêteurs et de divers instruments financiers tels que le financement de la dette du projet ou les fonds propres sans recours. L’obtention du financement de grands projets prend du temps et évolue en fonction de la durée du projet et des risques auxquels il est exposé, ce qui modifie les calendriers des projets et leurs échéances respectives. Dans leur version actuelle, les CII prévoient des dates butoirs fermes et des critères d’admissibilité qui dépendent de l’entrée en service des technologies propres.

Bien que ces caractéristiques soient destinées à favoriser le développement de projets à court terme, elles peuvent limiter l’utilisation des CII pour les technologies à plus long terme et les projets qui commencent avant et se poursuivent après la fin des CII, ce qui a pour effet de décourager involontairement les investissements. Il conviendrait d’envisager l’élaboration d’une disposition relative à l’exonération, semblable à celle qui existe aux États-Unis, en vertu de laquelle les dépenses d’investissement admissibles continueront de bénéficier de traitement après la date butoir.

Seul le CII pour le CUSC permet de bénéficier d’avantages fiscaux lorsque les dépenses sont engagées plutôt que lorsque les biens admissibles deviennent disponibles pour l’utilisation. Nous recommandons au ministère des Finances d’aligner les échéances de tous les CII sur celles du CUSC afin que les entreprises puissent maximiser la pleine valeur des avantages fiscaux offerts par le gouvernement. Cela permettra aux entreprises de déployer plus efficacement leurs capitaux dans les projets et de réduire la nécessité d’emprunter ou de trouver d’autres sources de capitaux pendant la phase de construction d’un projet.

Le Conseil canadien des affaires recommande également au ministère des Finances de retarder l’attribution d’une date d’expiration de ses CII jusqu’à ce que le gouvernement ait confirmé les façons dont il améliorera le régime d’approbation et d’autorisation des grands projets au Canada.

La communauté des affaires apprécie le fait que tous les crédits d’impôt sont remboursables. Les coûts estimés des projets peuvent varier, certains dépassant les milliards de dollars d’investissement. Un versement trimestriel plutôt qu’annuel peut contribuer à garantir aux promoteurs de projets un flux de trésorerie fiable et prévisible.

Conditions de travail et salaires en vigueur

Les principaux employeurs du Canada partagent la vision du gouvernement de créer de bonnes carrières et possibilités pour les Canadiens au cours de la transition énergétique.

La sécurité économique et les objectifs climatiques du Canada nécessitent de toute urgence un niveau d’investissement record, et les CII proposés sont utiles à cet égard. Le capital et une main-d’œuvre

forte et agile sont nécessaires pour mobiliser des projets en faveur d’une croissance durable et conformément aux objectifs de réduction des émissions du pays. Les entreprises emploient un ensemble de travailleurs syndiqués et non syndiqués dans le cadre de diverses conventions collectives négociées entre les travailleurs, les employeurs et les syndicats, indépendamment de l’appartenance ou non à un corps de métier.

Parallèlement, la croissance des salaires au Canada s’accélère tandis que le taux de chômage national est l’un des plus bas depuis des décennies. Pour leur part, les entreprises canadiennes employant plus de 500 personnes offrent les salaires hebdomadaires moyens les plus élevés10 et les programmes de formation les plus complets du pays. Cependant, la main-d’œuvre canadienne vieillit et le secteur de la construction ne fait pas exception avec son taux de vacance record qui entraîne des pénuries de main-d’œuvre et de métiers spécialisés11.

Nous exhortons le gouvernement à réfléchir attentivement avant d’imposer des conditions de travail indûment restrictives, afin que les capitaux puissent être rapidement déployés dans des projets qui créent davantage de possibilités d’emploi pour les Canadiens. Une course aux talents dans le domaine de l’énergie propre est en cours, les États-Unis faisant déjà appel à la main-d’œuvre internationale pour soutenir les projets encouragés par l’IRA. Le Canada doit être prudent.

Les conditions de travail proposées comprennent une interprétation très étroite d’une convention collective admissible. Nous recommandons que toute convention collective de travail, existante ou à venir, indépendamment de son affiliation commerciale ou non, enregistrée auprès d’un conseil des relations du travail d’une province satisfasse pleinement aux conditions d’admissibilité du gouvernement dans le cadre des CII respectifs.

Il est également nécessaire de clarifier des points importants tels que le mode de calcul du salaire en vigueur et les travaux ou les biens auxquels il doit s’appliquer, afin que les responsables de projets puissent déterminer leur capacité à maximiser les avantages disponibles dans le cadre de chaque CII. En outre, les conditions géographiques et démographiques peuvent entraîner des pénuries d’apprentis lorsque des travailleurs qualifiés ne sont pas disponibles pour travailler sur un projet, ce qui limite la capacité d’une entreprise à remplir les exigences proposées pour les apprentis.

Le ministère des Finances du Canada devrait envisager d’ajouter une « exception pour effort de bonne foi » afin de tenir compte des pénuries de main-d’œuvre potentielles qui échappent au contrôle de l’employeur. Il est également nécessaire de clarifier la manière dont l’Agence du revenu du Canada déterminera la « faute lourde ».

Les exigences en matière de travail doivent privilégier la certitude, la clarté et minimiser la charge administrative liée au respect des règles. Les exigences doivent être flexibles et tenir compte de la diversité des compétences et de la disponibilité des travailleurs spécialisés et non spécialisés dans différents secteurs et à différents endroits du pays.

Telles qu’elles sont rédigées, les exigences proposées seront difficiles à satisfaire et pourraient entraîner une réduction de 10 % du taux de CII, ce qui obligerait les entreprises à retarder leur décision définitive d’investissement ou à payer la pénalité proposée pour avoir accès à l’intégralité du crédit. Il reste encore beaucoup à faire avant que les dispositions proposées en matière de travail n’aient force de loi, afin que les entreprises puissent investir en toute confiance et libérer tout le potentiel des technologies propres offertes par le biais des CII.

Traitement réciproque

Le gouvernement fédéral examine les mesures possibles pour répondre aux exigences en matière de contenu national et mettre en place un traitement réciproque pour les pays ayant conclu des accords mutuels ou des accords commerciaux préétablis.

Les entreprises ont besoin d’un accès illimité à une offre diversifiée d’équipements et de services fournis par une chaîne d’approvisionnement mondiale fluide. Les exigences en matière de contenu national doivent être appliquées avec prudence et le Canada ferait bien de collaborer avec ses partenaires commerciaux pour élaborer des règles conformes aux règles de l’Organisation mondiale du commerce, à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et respectueuses des principaux accords commerciaux tels que l’Accord Canada–États-Unis–Mexique.

Le fait d’exiger des entreprises canadiennes qu’elles s’approvisionnent en intrants dans certains pays plutôt que dans d’autres peut entraîner une augmentation considérable des coûts du projet, ce qui a une incidence sur l’analyse de rentabilité de la poursuite du projet au Canada — ce qui va à l’encontre de l’objectif même des CII. En outre, le fait d’exiger des entreprises canadiennes qu’elles s’approvisionnent en intrants essentiels en dehors de leurs chaînes d’approvisionnement normales augmente le risque de perturbations coûteuses entraînant des retards.

Le Conseil exhorte le gouvernement fédéral à dissocier ses objectifs concernant les mesures d’approvisionnement réciproques du régime proposé des CII. Au minimum, une exigence de contenu national ne devrait pas compromettre la capacité d’une entreprise à atteindre le taux de base maximal offert par une CII.

Conclusion

Pour que les CII proposés soient adoptés avec succès, il faudra que les conditions soient claires, faciles à comprendre, applicables aux entreprises et utiles pour la budgétisation et le financement des projets. D’une manière générale, le succès du régime des CII sera jugé en fonction du volume d’investissement qu’il pourra susciter dans les projets de technologies énergétiques propres.

La capacité du gouvernement à faire preuve de discipline et à mettre en œuvre un cadre politique plus large visant à encourager des niveaux d’investissement plus élevés sera également déterminante pour l’adoption réussie des CII. De nouvelles réglementations axées sur la réduction des émissions dans des secteurs spécifiques pourraient compromettre l’objectif du gouvernement d’égaliser les conditions de concurrence avec les États-Unis et décourager les niveaux records d’investissement dont le Canada a besoin à court terme.


  1. https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/environmental-indicators/greenhouse-gas- emissions.html
  2.  https://ourworldindata.org/per-capita-co2
  3.  https://business.bofa.com/en-us/content/bank-of-america-institute/sustainability/IRA-ripple-effect.html
  4. https://www.brookings.edu/articles/economic-implications-of-the-climate-provisions-of-the-inflation-reduction-act/
  5. https://thoughtleadership.rbc.com/the-2-trillion-transition/
  6. https://www.budget.canada.ca/2023/report-rapport/chap3-en.html
  7. https://www.canada.ca/en/natural-resources-canada/news/2022/08/canada-and-germany-sign-agreement-to- enhance-german-energy-security-with-clean-canadian-hydrogen.html
  8. https://climateinstitute.ca/reports/big-switch/
  9. https://www.budget.canada.ca/2023/report-rapport/chap3-en.html#a7
  10. https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/tv.action?pid=1410021701 https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/tv.action?pid=1410021701
  11. https://cibccm.com/en/insights/articles/in-focus-if-they-come-you-will-build-it-canadas-construction-labour-shortage/