Les plateformes politiques doivent être formulées sur la base d’objectifs économiques à long terme

Publié dans La Presse

Lorsqu’ils présenteront leurs plateformes électorales lors du prochain scrutin fédéral, les partis politiques seront tentés de se livrer à une guerre de « manchettes » médiatiques. Dans cette ère de populisme croissant ou les sondages dictent trop souvent les stratégies politiques, il n’est pas aisé de résister au « court-termisme ».

Nous sortons d’une période d’expansion budgétaire sans précédent (et insoutenable) pour atténuer les ravages économiques d’une pandémie mondiale. Qui plus est, nous sommes confrontés à des défis économiques structurels, notamment une transformation numérique accélérée par la pandémie, les changements climatiques, le vieillissement démographique, une reconfiguration géopolitique majeure et plus d’une décennie de stagnation séculaire. Aujourd’hui plus que jamais, les programmes politiques doivent reposer sur un cadre axé sur le long terme.

Le progrès est un choix. Il n’est pas garanti. De 1945 à 1975, les Canadiens et Canadiennes ont vu leur revenu médian réel augmenter à un rythme qui a plus que doublé en 28 ans. Ce niveau incroyable de croissance économique est attribuable en grande partie aux choix stratégiques que nous avons faits en tant que pays. Ce ne fut pas le produit du hasard. Nous avons besoin d’un engagement renouvelé à l’égard de notre avenir économique à long terme.

Les plates-formes politiques doivent être formulés sur la base d’objectifs économiques à long terme ; les engagements pris reflétant ainsi leur impact potentiel sur ces objectifs. Il est aussi essentiel de mettre en place un mécanisme d’imputabilité rigoureux. Cela pourrait être fait par exemple par le directeur parlementaire du budget.

Quels objectifs économiques devrait-on prioriser ? En voici deux qui pourraient avoir un impact significatif :

Le revenu médian réel par habitant devrait augmenter d’au moins 5 % sur une période de cinq ans. Cela peut ne pas sembler particulièrement ambitieux, mais au cours des cinq années précédant 2019 (les données disponibles les plus récentes), le revenu médian par habitant n’a augmenté que de 3,4 %. Depuis 2009, il n’y a eu que trois années au cours desquelles la moyenne sur cinq ans a connu une croissance de 5 % ou plus. En se concentrant sur le revenu médian par habitant, on s’assure ainsi que les gains de la croissance économique sont largement partagés par l’ensemble de la population. Pour y parvenir, les politiques publiques doivent stimuler la croissance et améliorer les perspectives d’emploi pour tous les segments de la population. Notre performance économique passe par l’accroissement des investissements susceptibles d’accroitre notre capacité productive : la R&D appliquée dans les secteurs à forte croissance, la requalification des travailleurs pour l’économie numérique et un appui à notre secteur des ressources à réussir la transition vers un avenir carboneutre.  

S’engager à réduire de moitié l’écart d’investissement privé avec les pays de l’OCDE. Il y a un manque bien documenté d’investissements des entreprises dans la machinerie, l’équipement et la propriété intellectuelle au Canada. Bien sûr, beaucoup d’entreprises investissent beaucoup, mais dans l’ensemble, les données montrent que le Canada se classe en bas de l’échelle parmi les membres de l’OCDE. En rapport au PIB, l’investissement des entreprises est à peine plus de la moitié de ce qu’il est aux États-Unis. De plus, comme  le note l’Institut C.D. Howe, l’investissement des entreprises canadiennes par travailleur est également en deçà de celui des États-Unis et de d’autres pays de l’OCDE. Cette sous-performance de l’investissement des entreprises contribue directement à notre faible productivité et à notre perte de compétitivité. Ce n’est pas une coïncidence si nos parts du marché américain ont diminué au cours des dernières années. Au cours des deux dernières décennies, les exportations canadiennes n’ont augmenté qu’à  la moitié du rythme de l’économie canadienne.

Pendant que les États-Unis et le Royaume-Uni prennent des mesures ambitieuses pour faire croître leurs industries de pointe et augmentent leurs investissements en R-D, l’approche du Canada est encore timide. Dans une économie de plus en plus dépendante des actifs incorporels tels que les données et les services numériques, l’innovation constituera un moteur clé de la croissance future. Le renforcement des capacités sectorielles du Canada dans les industries de pointe devient primordial. Une productivité élevée fait en sorte que le travailleur moyen employé dans une industrie de pointe gagne un salaire annuel de près de 50 % supérieur à celui du travailleur canadien moyen.

S’ils sont adoptés et mis en œuvre, ces objectifs représenteraient des engagements audacieux en faveur d’une amélioration durable de notre niveau de vie. Les choix stratégiques que nous ferons au cours des prochaines années façonneront le Canada de 2050 et la compétitivité de notre pays au sein de l’économie mondiale.