Comme publié dans le Financial Post

Il est politiquement opportun à Ottawa, ces jours-ci, que le gouvernement fédéral exprime sa déception quant au fait que les entreprises canadiennes n’investissent pas davantage au Canada. Ottawa affirme vouloir que les entreprises canadiennes investissent au Canada, mais avertit ensuite ces mêmes entreprises que les retours sur investissement pourraient être plafonnés.

Ce sentiment contradictoire a atteint un nouveau degré la semaine dernière lorsque le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a confirmé que le gouvernement souhaitait encourager les investissements des entreprises, mais, également, « s’attaquer » aux profits des entreprises canadiennes et inciter de nouveaux concurrents étrangers à réduire leur part de marché totale.

Il convient de se demander si le gouvernement comprend pourquoi les entreprises, tant canadiennes qu’internationales, investissent sur certains marchés et pas sur d’autres. Si les entreprises veulent se développer, pourquoi le feraient-elles dans une juridiction où le gouvernement suggère qu’il devrait décider du montant des profits réalisés par les entreprises et de la part de marché qu’elles détiennent ?

Le Canada n’a pas de monopoles d’entreprise ; nous avons des champions mondiaux dans des secteurs compétitifs. Nous avons de nombreuses entreprises prospères dans chaque secteur — y compris l’énergie, les services bancaires, l’épicerie, les transports, les télécommunications — et aucune ne détient une part majoritaire du marché national. C’est impressionnant si l’on considère que la population du Canada est plus petite que celle de la Californie.

Les entreprises canadiennes sont en concurrence les unes avec les autres dans tout le pays et, dans de nombreux cas, dans le monde entier. Elles sont également en concurrence avec des entreprises internationales, y compris des entreprises publiques ou des entreprises subventionnées par des gouvernements étrangers. Pour que les entreprises canadiennes soient compétitives et gagnantes à l’échelle mondiale, elles ne doivent pas être pénalisées dans leur propre pays.

Soyons clairs, les entreprises canadiennes réussissent à l’échelle mondiale. Dans n’importe quelle grande ville, vous verrez des marques canadiennes sur les bâtiments et les panneaux d’affichage. De Mumbai à Monterrey, de Houston à Hanoï, nos entreprises se développent. Et à mesure qu’elles se développent, elles s’intègrent davantage dans les réseaux de chaînes de valeur et d’approvisionnement qui sillonnent le monde.

Si le gouvernement veut que les entreprises ayant leur siège au Canada investissent une plus grande partie de leurs revenus mondiaux ici, il doit se concentrer sur la mise en place d’une stratégie de croissance économique cohérente et sur l’élimination des obstacles réglementaires à l’investissement. Après tout, nous décrivons le capital d’investissement comme liquide parce que, comme l’eau, il suit le trajet de moindre résistance.

Par conséquent, lorsque les fonctionnaires fédéraux parlent de la nécessité d’une plus grande concurrence, ils doivent comprendre qu’ils doivent mieux concurrencer les gouvernements étrangers désireux d’attirer les capitaux. Cela ne devrait pas être une surprise. Lorsque les ministres mènent des missions commerciales sur des marchés à forte croissance, y compris ceux de la région Indo-Pacifique, ils constatent par eux-mêmes comment les gouvernements hôtes sollicitent l’investissement canadien.

Et, contrairement à ce que certains pensent, il ne s’agit pas seulement des grandes entreprises. Qu’est-ce qui peut inciter les petites et moyennes entreprises, les entrepreneurs et les innovateurs à se développer, à commercialiser ou à se constituer en société au Canada si le gouvernement impose un plafond au succès ? Les jeunes entreprises modestes d’aujourd’hui sont les multinationales de demain.

Si le gouvernement veut vraiment encourager une croissance menée par les entreprises au Canada, il doit se concentrer sur l’amélioration de la compétitivité du climat d’investissement du pays. Soyons clairs, il ne s’agit pas de subventions, mais plutôt d’une politique publique judicieuse qui offre à la fois une plus grande efficacité réglementaire et un écosystème d’innovation plus dynamique.

Le gouvernement devrait commencer par rationaliser le processus d’approbation des grands projets afin de renforcer la sécurité énergétique et les infrastructures favorisant les échanges commerciaux. Le Budget de 2023 contenait une promesse de dévoiler un plan concret pour accélérer les approbations et la délivrance des permis avant la fin de l’année dernière, et pourtant aucun plan n’a été proposé, et encore moins mis en place.

Une deuxième étape consisterait à mettre en place un cadre fiscal qui encourage, et non punit, l’investissement des entreprises. Le gouvernement devrait cesser de menacer les entreprises rentables en leur imposant potentiellement des taxes supplémentaires sur leurs revenus après impôts. Sans profits, il n’y a pas d’entreprises et sans entreprises, il n’y a pas d’emplois. C’est aussi simple que cela.

Ottawa devrait plutôt poursuivre la réforme des crédits d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE) et concrétiser les crédits d’impôt promis depuis longtemps pour les projets de transition énergétique tels que le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC). Si ces mesures sont mises en œuvre, les investissements ne tarderont pas à suivre.

La vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déclaré qu’elle croyait aux entreprises ayant leur siège au Canada, mais que celles-ci devaient à leur tour croire au Canada. Les entreprises canadiennes croient au Canada et aux Canadiens. Ce qu’elles ont du mal à croire, c’est que le gouvernement veut attirer, et non attaquer, les entreprises prospères.