On a fait couler beaucoup d’encre pour analyser les élections fédérales qui se sont tenues en septembre, mais la plupart des experts et des observateurs s’entendent sur une chose : les Canadiens et Canadiennes désirent que leurs représentants élus, quel que soit le parti ou l’ordre de gouvernement, travaillent de concert pour favoriser une relance solide, durable et inclusive.  

La pandémie a eu de lourdes conséquences sur notre bien-être physique, mental, social et économique. Les Canadiens et Canadiennes ne veulent plus entendre d’autres explications concernant les pouvoirs de chaque gouvernement ou des excuses blâmant quiconque pour quoi que ce soit. Ils veulent plutôt voir des progrès réels à l’égard des enjeux qui amélioreront leur vie et qui leur donneront une lueur d’espoir que des jours meilleurs les attendent. 

Dans un tel contexte, j’estime qu’il existe une rare occasion de prendre des mesures concrètes pour s’attaquer à un enjeu auquel le pays est confronté depuis longtemps : les obstacles au commerce interprovincial.  

Comme il est indiqué dans un rapport publié par Deloitte cette semaine, les répercussions économiques de ces obstacles se font ressentir tant au niveau macroéconomique que microéconomique.  Ces obstacles réduisent le produit intérieur brut (PIB) réel du Canada de près de 4 p. 100 et font chuter les revenus des gouvernements de près de 4,5 p. 100.  Pour la population canadienne, ces obstacles entraînent une diminution de 5 p. 100 des revenus des ménages et de 5,5 p. 100 des salaires. Ils limitent également nos choix au quotidien, qu’il s’agisse des entrepreneurs que nous embauchons, des aliments que nous achetons ou des vins que nous buvons.   

Nous connaissons tous le tort que causent ces obstacles. Nous savons tous qu’ils doivent être éliminés. Et pourtant, malgré nos meilleurs efforts, ils demeurent en place. À l’instar du mythe de Sisyphe, chaque fois que nous faisons des progrès, on dirait que le rocher revient en force. Bien que l’Accord de libre-échange canadien soit entré en vigueur en 2017, seules trois provinces se sont montrées plus ouvertes aux échanges commerciaux. Les obstacles se sont par contre intensifiés dans six autres provinces, comme l’indiquait l’Institut économique de Montréal plus tôt cette année.   

C’est exactement au moment même où les Canadiens et les Canadiennes se tournent vers leurs dirigeants pour qu’ils leur proposent de nouvelles façons de penser et d’agir que nous pouvons finalement faire tomber les obstacles au commerce interprovincial. Heureusement, le rapport de Deloitte propose quatre recommandations pratiques que les décideurs devraient sérieusement prendre en considération :  

  1. Créer un répertoire public de renseignements sur les obstacles au commerce au Canada. Les obstacles au commerce sont souvent mal compris par les représentants du gouvernement et le grand public. Une base de données publique consultable, qui s’inspire du modèle de l’Institut canadien d’information sur la santé, assurerait la transparence et aiderait les décideurs à renforcer leurs arguments en faveur d’une réforme dans des secteurs précis. Elle permettrait aux intervenants et aux gouvernements de s’unir pour concevoir plus efficacement des solutions visant à éliminer les obstacles au commerce.   
  2. Prendre conscience du potentiel de la reconnaissance mutuelle. S’attaquer aux obstacles au commerce au cas par cas s’est avéré être un processus long et éprouvant. Souscrire au principe stratégique de reconnaissance mutuelle peut accélérer le retrait de ces obstacles tout en réduisant au minimum les coûts pour les contribuables.  
  3. Établir une vaste collaboration pour la recherche de solutions. Les pourparlers entourant le commerce intérieur sont trop souvent laissés à l’initiative des gouvernements, sans un véritable apport du secteur privé. La création d’un comité directeur dont feraient partie des décideurs, des représentants du secteur privé et des experts en la matière pourrait permettre de cerner de nouvelles solutions à de vieux problèmes. Une telle initiative pourrait en outre nous aider à concentrer nos efforts sur les obstacles qui empêchent le Canada de réaliser son plein potentiel économique.  
  4. Reconnaître que l’exploitation du plein potentiel économique du libre-échange comporte des coûts. Le Canada peut accomplir de véritables progrès si les décideurs tiennent compte adéquatement des coûts associés à l’accroissement d’un libre-échange. Dans certains cas, un processus décisionnel audacieux peut s’accompagner d’un coût politique. Dans d’autres cas, les coûts peuvent être administratifs ou sont pris en charge par les travailleurs individuels ou les entreprises, et justifieraient peut-être une indemnisation pour soutenir le retrait des obstacles au commerce.  

Le rapport de Deloitte présente une nouvelle approche pour gérer un enjeu de politique complexe qui est aussi vieux que notre pays. Le rapport, qui fournit plus que des conseils judicieux, démontre l’importance du processus en s’appuyant sur les contributions de quinze groupes du milieu des affaires et groupes de réflexion de partout au pays. Si nous voulons progresser dans la bonne direction, il faudra une collaboration qui va au-delà de la sphère politique.  

Nous avons assisté au succès découlant d’une approche Équipe Canada dans le cadre des négociations sur le commerce international et des défis qui s’y rattachent. Nous devons désormais nous doter d’une approche semblable pour favoriser le commerce ouvert au sein de nos propres frontières.