Il est grand temps que les Autochtones occupent une place au centre de l’économie canadienne

Tel que publié sur LinkedIn par David McKay

Comment la société canadienne peut-elle s’attendre à prospérer, alors qu’elle tient plus de 1,5 million de personnes à l’écart de l’activité économique ? Comment peut-elle se prétendre entièrement inclusive, alors que tant de ses collectivités l’observent de l’extérieur ?

Voilà certaines des questions qui ont été abordées lors d’une table ronde à laquelle j’ai participé récemment avec des dirigeants autochtones des quatre coins du pays. J’en suis ressorti encore plus conscient qu’il est urgent d’agir pour bâtir ensemble le Canada auquel nous aspirons tous. 

Nous avons tout d’abord traité des répercussions étendues de la COVID-19 sur les diverses communautés autochtones, mais les échanges sur la réouverture de l’économie ont vite dévié sur sa réinvention. 

Un consensus s’est dégagé. Un Canada vraiment prospère doit habiliter les autochtones à participer pleinement à la vie économique. 

Certes, des progrès ont été réalisés au cours des dernières années. La contribution des entreprises autochtones à l’économie nationale dépasse les 30 milliards de dollars. Certains prévoient que ce chiffre atteindra 100 milliards de dollars d’ici cinq ans. Depuis plus de dix ans, RBC présente fièrement le profil de leaders inspirants qui stimulent la croissance économique et l’innovation. Dans le rapport de cette année, nous nous concentrons exclusivement sur l’apport des femmes.

Cela dit, il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Les écarts entre le taux d’emploi et de participation des Autochtones et des non-Autochtones ainsi que les différences de revenu témoignent d’un cycle de pauvreté bien ancré. Dans bon nombre de communautés, il n’existe tout simplement pas d’échelle de revenus à gravir pour les générations futures. La situation coûte très cher au Canada, car on estime que la participation des Autochtones à l’économie pourrait accroître son PIB de 36 millions de dollars.

Or, cette statistique frappante est le reflet d’une réalité encore plus sombre. Divers aspects de notre société ont voué les Autochtones à l’échec. Les systèmes scolaires n’ont pas fait grand-chose pour inspirer ou motiver les générations d’élèves. Le caractère inadéquat des infrastructures sociales et économiques a également eu un effet dévastateur sur la vie communautaire. Par ailleurs, le racisme systémique, incrusté dans notre tissu social, est responsable d’injustices au quotidien et rend la vie, dans certains cas, insoutenable. 

Et c’est la jeunesse autochtone qui est le plus durement touchée. Perry Bellegarde, chef de l’Assemblée des Premières Nations, a fait la remarque que ces inégalités ont un effet en cascade sur l’ensemble de l’économie. Notre population active vieillissante doit tendre la main à la population canadienne la plus jeune et dont le nombre croît le plus rapidement au pays pour veiller au maintien du caractère concurrentiel et de la prospérité de notre économie. 

Les participants ont mis en lumière plusieurs moyens de paver la voie de la réussite des générations futures.

Accroître la pertinence de l’éducation. Le système d’éducation publique, qui est censé jouer un rôle égalisateur, a bien souvent creusé les inégalités auxquelles font face nombre d’Autochtones. Comme me l’a mentionné un dirigeant : « les étudiants n’abandonnent pas l’école, on les flanque dehors. » Les Autochtones ressentent un grand besoin d’enseigner leur langue et leurs traditions pour instiller aux étudiants un sentiment d’affiliation au passé, au présent et au futur. L’enseignement inspiré de la terre favorise également l’acquisition de perspectives et de connaissances uniques qui seront utiles aux étudiants tout au long de la carrière qu’ils auront choisie. Cette approche pourrait contribuer à façonner les dirigeants dont a besoin le Canada pour mettre au point une économie plus propre et plus durable.

Qui plus est, le rendement du capital investi dans les systèmes d’éducation est faible. Par exemple, 40 % des nouveaux diplômés universitaires âgés de 25 à 34 ans occupent un emploi pour lequel ils sont surqualifiés. Il nous faut repenser la façon dont nous préparons tous les étudiants au monde du travail de demain. Nous devrions notamment mettre l’accent sur le perfectionnement des aptitudes, en offrant aux étudiants un choix de titres de compétence à petite échelle en ligne, sur le campus ou les deux, en leur offrant des services de placement professionnel et des stages, et en leur permettant de suivre des cours de niveau collégial et universitaire auprès de diverses institutions. Ces programmes, soi-disant autogérés, constituent un moyen efficace d’acquérir des aptitudes que les employeurs recherchent dans un marché du travail en constante évolution.

Les employeurs doivent également en faire plus pour reconnaître les compétences requises pour rendre leur entreprise plus concurrentielle dans une économie numérique. Il ne fait aucun doute que, quelles que soient leur formation officielle ou leur éducation, un grand nombre des autochtones qui ont dû faire face à l’adversité et à des obstacles systémiques possèdent des talents, des connaissances pratiques et des qualités dont bénéficierait n’importe quelle entreprise.

Combler l’important fossé numérique. Il est également primordial de mettre en place de nouveaux modèles d’apprentissage offrant aux étudiants une plus grande latitude quant à l’endroit, au moment et à la manière dont ils apprennent. Depuis le début de la pandémie, quantité de ressources d’apprentissage en ligne ont vu le jour, pouvant rendre les expériences éducatives mieux adaptées et plus conviviales. Malgré tout, ces initiatives ne porteront leurs fruits que si l’infrastructure numérique adéquate est en place. Beaucoup de communautés autochtones demeurent coincées du mauvais côté du fossé numérique. L’engagement pris dans le budget fédéral de l’an dernier de brancher tous les Canadiens et toutes les entreprises canadiennes à un service Internet haute vitesse d’ici 2030 devrait être accéléré. Il faut également miser sur la technologie 5G et son énorme potentiel à alimenter les communautés rurales et éloignées, et à propulser des modèles d’affaires complètement nouveaux. Ainsi, de nombreux entrepreneurs peuvent choisir de rester dans la collectivité de leur choix et contribuer à sa réussite, tout en conquérant de nouveaux marchés.

Habiliter les entrepreneurs. Le nombre d’entrepreneurs autochtones croît cinq fois plus vite que le nombre de travailleurs autonomes canadiens, et les femmes autochtones lancent deux fois plus d’entreprises que les femmes non autochtones. Cependant, moins de 20 pour cent d’entre eux ont accédé à du capital par l’intermédiaire d’une institution financière ou d’un programme gouvernemental. Les prêts octroyés aux Autochtones, ont mentionné certains dirigeants d’entreprises autochtones, sont assortis de termes plus courts et de taux d’intérêt plus élevés que ceux offerts aux autres demandeurs. De plus, il est difficile pour les entrepreneurs autochtones demeurant sur une réserve de contracter un prêt pour se lancer en affaires et faire prospérer leur entreprise, car en principe, leur terrain appartient au gouvernement fédéral, et ne peut donc pas être utilisé pour garantir l’emprunt.

En dépit de tout cela, plusieurs communautés autochtones, et en particulier les sociétés d’aide au développement, ontréussi à fonder des entreprises de plusieurs millions de dollars. Les institutions des secteurs public et privé devraient continuer de chercher des moyens de soutenir les objectifs de croissance des entrepreneurs autochtones.

Le milieu des affaires canadien pourrait également démontrer son appui en intégrant un plus grand nombre d’entreprises dirigées par des Autochtones à leur chaîne logistique, et en soutenant des initiatives qui facilitent la saisie d’occasions en matière d’acquisition. RBC, par exemple, fait partie d’un réseau national d’entreprises qui travaillent avec le Conseil canadien pour le commerce autochtone afin de mettre en place un marché numérique pour les entreprises qualifiées.

Je partage et appuie la vision des dirigeants autochtones qui souhaitent offrir aux générations futures la possibilité de croître, de poursuivre leur passion, de se démarquer et de contribuer à l’essor de nos collectivités et de notre nation. Voilà la description d’une économie inclusive et d’un Canada prospère. Nous pouvons tous en faire plus pour que cette vision de l’avenir se réalise. Nous devons tous en faire plus. RBC y comprise.