Justin Trudeau quitte le pouvoir — voici où les choses ont mal tourné avec son gouvernement

Comme publié dans Le Hub

Lorsque Justin Trudeau est arrivé au pouvoir en 2015, il incarnait le changement générationnel et promettait le renouveau, la transparence et l’ambition. Les premières réalisations, comme l’Allocation canadienne pour enfants, qui a réduit considérablement la pauvreté chez les enfants, et les améliorations au Régime de pensions du Canada, qui ont assuré de meilleures retraites aux générations futures, reflétaient cette promesse.

Pourtant, au fil du temps, l’élan initial du gouvernement a cédé la place à une trop grande importance accordée à l’optique politique au détriment de la substance. Son incapacité à répondre aux attentes n’est pas le résultat d’un seul faux pas, mais plutôt de conséquences cumulées de faiblesses en matière de gouvernance, de sous-performance économique et d’incohérence politique.

Gouvernance

Le gouvernement Trudeau a semé les graines de ce déclin dès les premiers jours de son mandat. Dès les premiers jours qui ont suivi l’élection d’octobre 2015, il était évident que la transition serait un test que le gouvernement n’était pas prêt à passer. Le recours à des stratèges de campagne — aptes à gagner des élections, mais mal équipés pour les complexités de la gouvernance — a créé une base fragile. L’expertise politique a été facilement rejetée, laissant les décisions cruciales entre les mains de ceux qui sont plus à l’écoute du théâtre politique que des exigences nuancées liées à la gouvernance du pays.

Cette erreur de calcul a donné le ton à un gouvernement qui a souvent accordé la priorité à la performance politique plutôt qu’à sa pratique, où la forme a éclipsé la substance et où les victoires politiques immédiates ont été privilégiées au détriment des stratégies politiques à long terme.

La gouvernance n’est pas qu’une question de charisme : elle exige un dirigeant capable de naviguer dans les complexités de la politique et de responsabiliser ceux qui l’entourent. Trudeau a souvent failli à cette tâche, en s’appuyant fortement sur un petit groupe de conseillers qui privilégiaient les discours politiques au détriment de l’élaboration de politiques efficaces et réfléchies.

Cet excès de confiance — fondé sur la conviction que seuls quelques conseillers politiques au plus haut niveau pouvaient gérer l’ensemble du programme gouvernemental de manière centralisée — a conduit à une approche autoritaire. Au lieu de mettre en place des systèmes de gouvernance robustes et de renforcer les institutions, les décisions ont été concentrées entre les mains de quelques-uns. Cette approche a favorisé l’inefficacité et un style de gouvernance réactif, incapable de relever efficacement les défis les plus urgents du pays. Les idées prometteuses ont souvent été sapées par une mauvaise exécution et un manque d’attention aux détails.

Le déclin du gouvernement de Cabinet

Sous Trudeau, le modèle traditionnel de gouvernement de cabinet — où les ministres dirigent leurs ministères, lancent des politiques et sont responsables de leur mise en œuvre — a considérablement régressé. Le pouvoir a été largement centralisé au sein du cabinet du premier ministre (CPM), de sorte que les ministres n’avaient que peu d’autorité pour façonner les politiques relevant de leur portefeuille. Trop souvent, ils ont été réduits à un rôle de porte-parole chargé de défendre les décisions déjà prises par le CPM plutôt que d’y contribuer. Cette approche a entravé la collaboration, les ministres n’étant pas en mesure d’apporter leur expertise à la table des négociations.

Cette centralisation a également affaibli la responsabilité. Les ministres, limités par la domination du CPM, n’ont pas pu s’approprier les décisions clés. En conséquence, la mise en œuvre a souffert, et la responsabilité des échecs politiques n’a souvent pas été clairement établie, comme nous l’avons constaté récemment lors de la débâcle du congé de TPS ou de l’annonce de la taxe sur le carbone pour le Canada atlantique.

Échecs des politiques économiques

Le mandat de Trudeau a été marqué par une période de faible croissance, de baisse de la productivité et d’aggravation des vulnérabilités budgétaires.

Le PIB par habitant, une mesure essentielle de la prospérité, a été négatif pendant huit des neuf derniers trimestres, accusant un retard par rapport à des pays comparables, comme les États-Unis, et soulignant les difficultés du Canada à passer à une économie à forte valeur ajoutée et axée sur l’innovation. L’accent particulier mis sur le secteur des véhicules électriques a répété les erreurs historiques d’une politique économique axée sur la recherche de rentes et les subventions. Les possibilités d’exploiter les avantages naturels du Canada et de favoriser l’innovation dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture, de la biotechnologie et des infrastructures de pointe ont été négligées au profit de mesures de politique industrielle inefficaces.

La dette publique s’est accrue à un rythme , sans stratégie cohérente pour harmoniser les dépenses avec les pressions à long terme, telles que le vieillissement de la population. Alors même que les conditions économiques s’amélioraient après la pandémie, le gouvernement a constamment dépassé ses dépenses et manqué ses propres objectifs budgétaires, ce qui témoigne d’une absence de discipline et de responsabilité. Dans le même temps, la productivité du travail est restée obstinément faible, symptôme d’une innovation négligée et de cadres réglementaires dépassés.

La hausse des niveaux d’immigration ne s’est pas accompagnée d’une augmentation correspondante de l’offre de logements, ce qui a aggravé les problèmes d’accessibilité pour des millions de Canadiens.

Incohérence de la politique étrangère

Sur la scène internationale, le gouvernement Trudeau semblait souvent perdu. Malgré de grandes déclarations sur le rôle du Canada en tant que champion du multilatéralisme et des valeurs progressistes, sa politique étrangère manquait de clarté, de cohérence et d’orientation stratégique. Les relations avec les principaux alliés ont souffert et l’influence du Canada dans les institutions mondiales s’est affaiblie, rendant le pays de plus en plus réactif et mis à l’écart des débats géopolitiques cruciaux.

Un échec particulièrement flagrant a été l’incapacité du Canada à respecter son engagement envers l’OTAN de dépenser 2 % du PIB pour la défense. Cette promesse, réaffirmée par les États membres en 2014 en réponse à la montée des menaces mondiales, était censée témoigner de la solidarité et de la force collective des alliés de l’OTAN. Pourtant, dix ans plus tard, le Canada est resté bien en deçà de ce seuil, consacrant environ 1,3 pour cent de son PIB à la défense.

Cet échec est devenu très problématique après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, une crise qui a souligné l’urgence d’une préparation militaire robuste et de la cohésion de l’alliance. Le déficit du Canada a non seulement mis à mal sa crédibilité au sein de l’OTAN, mais a également limité sa capacité à contribuer de manière significative aux efforts de défense collective.

Politique climatique et énergétique

Le changement climatique était une pierre angulaire de l’identité politique de Trudeau, mais l’approche de son gouvernement a été marquée par des contradictions. Les remises de la taxe sur le carbone motivées par des considérations politiques ont sapé l’intégrité de son cadre de tarification, et la décision de plafonner la production de pétrole et de gaz au cours d’une période d’insécurité énergétique mondiale a reflété un décalage entre les aspirations environnementales et les réalités géopolitiques et économiques.

L’entente avec le NPD et la dérive stratégique

L’accord de 2022 avec le Nouveau Parti démocratique, tout en assurant une stabilité politique temporaire, a marqué un virage à gauche important. Cette réorientation a aliéné les électeurs centristes, érodé l’identité traditionnelle du Parti libéral et mis en évidence un gouvernement de plus en plus axé sur la survie plutôt que sur une gouvernance fondée sur des principes.

En outrepassant son rôle et en agissant comme s’il pouvait gérer les gouvernements provinciaux par le biais de programmes tels que le régime d’assurance-médicaments et les soins dentaires, le gouvernement fédéral a failli à ses responsabilités de base. Le financement de ces initiatives par des emprunts a ajouté une pression à long terme sur les bilans des gouvernements fédéral et provinciaux, tout en mettant à rude épreuve les relations fédérales-provinciales. Pendant ce temps, des priorités fédérales essentielles, telles que la stratégie économique, la défense et l’immigration, ont été négligées, ce qui a entraîné des dommages considérables en matière de politiques.

Leçons pour les futurs gouvernements

Le mandat du gouvernement Trudeau a marqué le début d’un chapitre d’espoir dans la politique canadienne, en offrant une vision de renouveau et de progrès qui a trouvé un écho profond auprès de l’électorat. Pourtant, au fil des années, cette promesse a été éclipsée par les réalités de la gouvernance — une sphère qui exige non seulement des idées politiques judicieuses, mais aussi les compétences, la discipline et la force institutionnelle nécessaires pour les mener à bien.

Son mandat a été marqué par des contradictions et des tensions inhérentes : une ambition de jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre les changements climatiques minée par l’incohérence des politiques ; un véritable engagement en faveur de l’inclusion et de la diversité éclipsé par la polarisation culturelle ; et une préoccupation pour la redistribution au détriment de la croissance économique.

Ces dernières années sont une mise en garde : le leadership dans une démocratie moderne exige un équilibre délicat entre l’ambition, le pragmatisme et la bonne gouvernance.

Les futurs gouvernements doivent tirer une leçon essentielle : s’il est important de gérer une communication efficace, la véritable mesure du succès réside dans la compétence managériale et la mise en œuvre précise des politiques.

L’histoire ne doit pas se répéter. L’approche de Trudeau en tant que premier ministre était celle d’un conteur et d’un communicateur, donnant souvent l’impression qu’il jouait la comédie plutôt que de gouverner. Il a négligé la rigueur politique et managériale qu’exige ce rôle et ne s’est pas adapté aux complexités de la gouvernance. Comme l’a écrit Albert Camus : « La tragédie est facile et à la portée de l’homme ; le chef-d’œuvre exige toujours plus ».