Le Canada veut rester fort et libre ? Six étapes pour devenir une superpuissance énergétique et en ressources
Comme publié par Le Hub
Avec l’investiture de Donald Trump le 20 janvier, le monde revient à une ère de realpolitik. Le Canada est confronté à un contexte géopolitique très turbulent où, pour reprendre les mots de Lord Palmerston, il n’y a pas d’amis ou d’ennemis permanents, seulement des intérêts permanents. Les intérêts du Canada ne sont pas défendus par sa capacité à rassembler. Ils sont défendus grâce à la « soft power » (puissance douce) et à la « hard power » (puissance dure) qui découlent de l’abondance d’énergie, de nourriture et de ressources dont vos amis et ennemis ont besoin.
Il est juste et bon que le Canada tire parti de ses abondantes ressources pour faire valoir ses intérêts, car nos intérêts sont bienveillants. Nous voulons que nos citoyens et nos alliés soient prospères et en sécurité. Dans la mesure où nous avons la capacité d’y parvenir, ce serait une négligence de ne pas le faire.
Le Canada tiendra bientôt des élections et les conservateurs de Pierre Poilievre, qui en sortiront probablement vainqueurs, ont indiqué qu’ils avaient la ferme intention de faire du Canada une superpuissance dans le domaine des ressources. Voici quelques suggestions pour atteindre cet objectif.
1. Construire plus de pipelines
Le Canada possède la troisième plus grande réserve de pétrole au monde et un approvisionnement presque illimité en gaz naturel. La plupart de ces ressources sont concentrées dans le très productif bassin sédimentaire de l’Ouest canadien. L’acheminement d’une plus grande quantité de produits jusqu’à la mer, où ils peuvent être vendus au plus offrant sur les marchés mondiaux, permettrait non seulement de créer de bons emplois, de générer des recettes publiques et des recettes en devises, mais aussi d’accroître la « soft power » du Canada sur la scène internationale et de réduire notre dépendance économique à l’égard des États-Unis.
La construction de nouveaux pipelines d’exportation au Canada sera compliquée, quel que soit le gouvernement au pouvoir. Il est donc préférable de s’en tenir aux projets pour lesquels le travail initial a été en grande partie effectué : les projets de transport de gaz de Prince-Rupert et de Northern Gateway. Il faut les construire d’ici à 2030. En attendant, il faudra remplir les pipelines Trans Mountain et Coastal Gas Link, et optimiser le réseau principal d’Enbridge.
2. Réformer la Loi sur l’évaluation d’impact
Le projet de loi « anti-pipelines » s’est avéré être le projet de loi « anti-tout » ; depuis que la LEI a été adoptée en 2019, un seul projet, Cedar LNG, a été approuvé sous ses auspices. Non seulement elle a freiné les investissements dans la production d’électricité, l’infrastructure des pipelines et le développement des mines, mais elle a également provoqué de profondes dissensions avec les provinces, car, comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada, cette loi est inconstitutionnelle.
Les changements de législation environnementale tous les quatre ou huit ans ne permettront pas au Canada de regagner davantage d’investisseurs. Pour améliorer le climat d’investissement et faire avancer les choses, le prochain gouvernement fédéral doit simplement respecter la Constitution et rester dans sa sphère de compétence. Concrètement, cela signifie que les projets ne devraient faire l’objet que d’une seule évaluation et d’un seul décideur, conformément à la séparation des pouvoirs établie par la Constitution.
Les provinces doivent mener des évaluations environnementales pour les mines, les projets d’exploitation des sables bitumineux, les raffineries, les installations de production d’électricité et les pipelines intraprovinciaux. Les pipelines et lignes de transport interprovinciaux et internationaux doivent être évalués par la Régie canadienne de l’énergie. Les projets nucléaires doivent être évalués par la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). Les projets ferroviaires, les terminaux maritimes, les projets en mer et les autres projets sur les terres fédérales qui atteignent certains seuils devraient être évalués par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada.
Indépendamment de l’approbation des projets, le gouvernement fédéral sera toujours chargé de délivrer des permis pour contrôler et atténuer les effets relevant de sa compétence, par exemple sur les poissons et les oiseaux migrateurs ; il devrait gagner en efficacité dans ce domaine.
Toutes ces agences, qu’elles soient provinciales ou fédérales, devraient s’efforcer d’être plus transparentes et plus réactives, et faire preuve d’excellence dans leur devoir de consulter et d’accommoder les détenteurs de droits autochtones. Les agences réglementaires de classe mondiale nous protègent des risques, pas du progrès.
3. S’appuyer sur le nucléaire
Le Canada possède les plus riches réserves d’uranium au monde. Le bassin de l’Athabasca, en Saskatchewan, fournit déjà 20 % de l’approvisionnement mondial en uranium, et plusieurs expansions et nouvelles mines sont prévues dans la région. Le Nunavut possède un bassin voisin, le Thelon, dont les teneurs sont tout aussi élevées, mais qui n’a pas encore été exploité.
Ces ressources seront essentielles pour la renaissance du nucléaire en cours, stimulée par la demande de sécurité énergétique, d’une charge de base propre et les besoins énormes de l’IA et des centres de données. Trente et un pays ont adopté une déclaration visant à tripler la capacité de production d’énergie nucléaire d’ici à 2050.
Le prochain gouvernement devrait soutenir l’expansion de l’exploitation minière de l’uranium, par exemple en garantissant des processus réglementaires opportuns par l’intermédiaire de la CCSN.
Mais au-delà de l’exportation de l’uranium de la Saskatchewan, le Canada peut devenir une puissance nucléaire tout au long de la chaîne de valeur. L’Ontario exporte déjà des services, des équipements et des technologies nucléaires pour les réacteurs CANDU. Il étend maintenant ses activités aux petits réacteurs modulaires, que OPG est en train de développer sur son site de Darlington, à la tête du monde occidental. L’Europe de l’Est est le meilleur marché à court terme pour la coopération nucléaire, mais nous devrions par la suite étendre nos activités au-delà de cette région.
La prochaine étape logique pour le Canada est de planifier l’enrichissement de l’uranium, tant pour les besoins nationaux que pour l’exportation. Alors que les pays occidentaux cherchent à renforcer leur capacité nucléaire, le Canada est le mieux placé pour devenir un nouveau fournisseur de services d’enrichissement — un groupe très restreint à l’heure actuelle. Cameco, le mineur d’uranium basé en Saskatchewan, raffine et convertit déjà l’uranium et fabrique des grappes de combustible nucléaire pour les réacteurs CANDU. Mais ces derniers utilisent de l’uranium naturel, et non de l’uranium enrichi, dans leurs centrales. Il faut prévoir de l’uranium enrichi pour les BWRX-300 en cours de construction par OPG, ainsi que pour les futurs petits et micro-réacteurs utilisés dans les communautés éloignées du Canada et pour des applications industrielles.
L’enrichissement au Canada favoriserait la diversité de l’approvisionnement mondial de manière à préserver les efforts de non-prolifération, tout en garantissant nos propres approvisionnements énergétiques nationaux. Cameco développe déjà une technologie au laser de nouvelle génération en vue d’une application commerciale pour l’enrichissement de l’uranium.
La mise en place d’une capacité d’enrichissement au Canada nécessiterait des démarches diplomatiques auprès du Groupe des fournisseurs nucléaires et une coordination avec l’Agence internationale de l’énergie atomique. Le Canada ne commencera probablement pas à enrichir de l’uranium au cours du mandat du prochain gouvernement, mais il devrait obtenir le soutien de ses alliés et remplir les conditions législatives et internationales nécessaires pour le faire dans l’intervalle.
4. Obtenir le consentement autochtone
La Constitution canadienne reconnaît et affirme les droits ancestraux et issus de traités. Ces droits sont presque toujours touchés par l’exploitation des ressources et imposent donc à la Couronne l’obligation de consulter et d’accommoder les détenteurs de droits autochtones concernés lors de l’évaluation et de l’approbation de ces projets.
Si l’on veut que l’exploitation des ressources se poursuive à un rythme soutenu, que les projets obtiennent une autorisation sociale et que l’on évite des contestations juridiques et des retards coûteux, il est dans l’intérêt de tous d’obtenir le consentement autochtone avant de lancer les projets. La plupart des communautés autochtones ne s’opposent pas à l’exploitation des ressources ; elles s’opposent au fait d’être exclues des avantages économiques qu’apportent ces projets, ou d’être exclues de la planification visant à garantir l’atténuation raisonnable de leurs répercussions environnementales et culturelles. À juste titre.
Au cours des deux dernières décennies, les secteurs de l’énergie, de l’exploitation minière et de la foresterie ont réussi à développer des stratégies avec les détenteurs de droits autochtones afin de garantir des avantages équitables dans le cadre des projets. Ces stratégies portent notamment sur les marchés publics, l’emploi, les paiements, la cogestion et les participations au capital.
Pour poursuivre dans cette voie et favoriser une harmonisation accrue entre l’industrie et les communautés autochtones, le prochain gouvernement devrait, premièrement, accélérer la mise en œuvre du Programme de garantie de prêts pour les Autochtones, qui a été lancé récemment à la suite de nombreuses pressions sur les libéraux — mais qui est inspiré d’un programme similaire couronné de succès en Alberta — et le maintenir bien doté de capitaux. Deuxièmement, il devrait utiliser des outils supplémentaires, y compris ceux qui peuvent encourager les partenariats entre l’industrie et les Autochtones dans les activités en amont de l’extraction minière, pétrolière et gazière, où les droits des Autochtones sont les plus touchés.
Ces outils pourraient ressembler à la redevance sur les ressources des Premières Nations annoncée par Poilievre en février 2024, qui céderait aux communautés autochtones la marge fiscale fédérale qui serait autrement payée par les promoteurs. Les fonds de redevances, les crédits de redevances et les crédits d’impôt à l’investissement réservés aux Autochtones devraient également être étudiés. Un plus grand nombre d’outils pouvant soutenir davantage de types de projets et de partenariats dans le domaine des ressources serait bienvenu et stimulant.
Un effort ciblé pour renforcer la capacité des communautés autochtones à évaluer le bien-fondé des projets d’exploitation des ressources sur leur territoire et à négocier leur participation à ces projets permettrait également de réduire les goulets d’étranglement.
5. Encourager la production de minéraux critiques par le biais des dépenses de défense
La Chine manipule activement les marchés des minéraux critiques. Cela nuit aux projets des démocraties occidentales, soit en les privant des capitaux nécessaires à leur développement, soit en les obligeant à arrêter la production actuelle.
Parce qu’il est inacceptable de dépendre de la Chine (et, dans certains cas de la Russie) pour les matériaux — minéraux bruts et transformés et composants — nécessaires au fonctionnement de notre économie, il est urgent, pour des raisons de sécurité nationale, de soutenir un niveau minimum de capacité nationale ou alliée.
En particulier, les matériaux nécessaires à nos chaînes d’approvisionnement en matière de défense devraient être soutenus par les dépenses de défense. Les États-Unis le font déjà par le biais de leur loi sur la production de défense (Defense Production Act, ou DPA) et ont d’ailleurs investi, en collaboration avec Ressources naturelles Canada, dans six projets de minéraux critiques au Canada au cours de l’année écoulée. Nous devrions faire de même, indépendamment du financement de la DPA, en augmentant le montant que nous consacrons aux intrants de l’équipement militaire les plus vulnérables aux restrictions de nos adversaires, y compris le germanium, le gallium, l’indium, le graphite, le tungstène, l’arsenic, le scandium et d’autres terres rares.
Étant donné que le Canada a accès à des quantités importantes de ces produits de base (et, dans de nombreux cas, à la capacité existante de les transformer) et que nombre de nos alliés de l’OTAN n’y ont pas accès, il lui incombe tout particulièrement de le faire à un rythme soutenu. Soutenir le secteur minier pour qu’il innove de nouvelles façons de traiter ces matériaux de manière économique et avec des incidences moins importantes sur la sécurité et l’environnement que les concurrents actuels, sera un véritable atout.
Le prochain gouvernement devrait collaborer avec les sociétés minières canadiennes et les entreprises de défense pour déterminer quelle combinaison de stockage, de réserves stratégiques, de tarifs de rachat, de contrats sur différence ou d’autres moyens est optimale pour garantir l’accès aux matériaux nécessaires à la chaîne d’approvisionnement de la défense. Une telle initiative aurait l’avantage supplémentaire d’aider le Canada à atteindre plus rapidement ses engagements de dépenses envers l’OTAN, étant donné les longs délais inévitables pour l’acquisition des systèmes de défense prévus par ailleurs.
6. Résoudre les perturbations du travail dans les services portuaires et ferroviaires
Personne ne souhaite limiter les droits des travailleurs ou restreindre la capacité des syndicats à négocier des accords équitables. Mais la vague de grèves ferroviaires et portuaires que le Canada a connue ces dernières années est allée trop loin, entraînant un préjudice économique généralisé et ternissant la réputation du pays en tant que partenaire commercial fiable.
Les travailleurs et les entreprises du Canada qui dépendent de l’exportation de leurs produits ne peuvent pas continuer à être pris en otage — pas si nous souhaitons nous démarquer et être le fournisseur privilégié d’énergie, de ressources et d’aliments de nos alliés. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement ont atteint un niveau de crise et la situation actuelle est incompatible avec l’intérêt national.
Le prochain gouvernement devra pouvoir compter sur le soutien de l’opinion publique pour procéder à des changements structurels. Au minimum, le prochain gouvernement pourrait modifier le Code canadien du travail pour lui permettre d’imposer un arbitrage obligatoire avant qu’un arrêt de travail ne se produise.
Comme l’exhortait Russell Conwell au début du 20e siècle dans son célèbre discours Acres of Diamonds, « devenez riche jeune homme, car l’argent est le pouvoir et le pouvoir doit être entre les mains de bonnes personnes. Je dis que vous n’avez pas le droit d’être pauvre. »
Je soutiens que le Canada n’a pas le droit de ne pas exploiter son énergie, ses minéraux et ses produits agricoles au mieux de ses capacités ; non seulement pour améliorer la qualité de vie des Canadiens, mais aussi pour garantir la disponibilité de solutions de rechange fiables et produites de manière éthique pour tous les pays qui en ont besoin.
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