\

Introduction

Les débats entourant les différentes approches pour passer des combustibles fossiles à des sources d’énergie alternatives sont omniprésents dans le discours politique du Canada et ses politiques publiques. Les points de vue divergent quant au calendrier à respecter et à l’équilibre à trouver entre la fiabilité, l’accessibilité financière et la durabilité, à mesure que nous adaptons nos systèmes énergétiques.

Mais une chose est sûre : l’énergie nucléaire devra jouer un rôle plus important dans la palette énergétique future du Canada et du monde entier pour réduire les émissions d’ici 2030 ou atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. L’énergie nucléaire est unique en ce sens qu’elle fournit une énergie de base non émettrice, peut être implantée presque partout, peut générer de la chaleur industrielle et est incroyablement dense sur le plan énergétique, avec de faibles exigences en matière de ressources et de terrains. C’est une très bonne nouvelle pour le Canada, qui est prêt à tirer parti de la renaissance mondiale de l’énergie nucléaire, aussi bien comme producteur que comme consommateur.

En effet, le Canada possède des gisements à teneur élevée d’uranium de calibre mondial ; il compte sur son sol le fournisseur de combustible d’uranium d’importance mondiale Cameco, dont le siège est en Saskatchewan ; il dispose aussi d’une chaîne d’approvisionnement nucléaire nationale exhaustive ; il est déjà le sixième producteur d’énergie nucléaire au monde ; et il est l’un des rares pays à détenir des droits de propriété intellectuelle sur la technologie des réacteurs nucléaires, grâce à la conception du réacteur CANDU. Les technologies nucléaires émergentes de troisième (Gen III+) et de quatrième (Gen IV) générations sont encore plus porteuses d’espoir pour l’assise économique et géographique du Canada, en offrant de la chaleur et de l’électricité à faible intensité de carbone et hors réseau aux communautés éloignées, aux mines, aux industries des sables bitumineux ou à forte consommation d’énergie comme les industries des produits pétrochimiques et des fertilisants.

En plus de ces considérations pratiques, le Canada dispose de deux avantages indéniables. Premièrement, l’énergie nucléaire bénéficie actuellement du soutien du gouvernement fédéral (libéraux) et de l’opposition (conservateurs), de plusieurs gouvernements provinciaux (en particulier ceux de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Saskatchewan et de l’Alberta) et d’une majorité de Canadiens (57 % selon un sondage réalisé en janvier 2023 par Angus Reid). Ce soutien atteint notamment une proportion de 70 % en Ontario, où est produite la majeure partie de l’énergie nucléaire canadienne. Dans un secteur qui évolue et se développe rapidement, il s’agit d’un avantage considérable, alors que d’autres concurrents potentiels en Europe et en Australie continuent de débattre des mérites du nucléaire.

Deuxièmement, le Canada est un fournisseur fiable de combustible d’uranium et de technologie nucléaire, doté d’organismes de réglementation nucléaire très respectés, indépendants et quasi judiciaires. Les accords conclus avec les leaders du nucléaire et les superpuissances géopolitiques que sont la Russie, la Chine et même les États-Unis peuvent avoir des connotations politiques, mais le Canada est généralement considéré comme un fournisseur fiable, digne de confiance et neutre. Cette notoriété peut se traduire par un avantage concurrentiel pour le Canada et par une sécurité énergétique accrue pour ses alliés.

Le Conseil canadien des affaires soutient le développement de la chaîne d’approvisionnement nucléaire du Canada et encourage les décideurs politiques à collaborer avec le secteur privé pour maximiser les débouchés et la compétitivité dans le secteur nucléaire mondial. Le présent rapport explore certaines des tendances de l’énergie nucléaire dont le Canada pourrait tirer parti en combinant judicieusement politique, ambition et investissement.

La renaissance du nucléaire

L’énergie nucléaire est une source d’énergie très importante, qui représente 10 pour cent de la production mondiale d’électricité et près de 20 pour cent de celle produite dans les économies avancées. Elle a connu une forte croissance dans les années 1970 et 1980 en réponse à une succession de crises énergétiques provoquées par les flambées des prix du pétrole en 1973 et 1979. Cependant, les incidents de Three Mile Island en 1979 et de Tchernobyl en 1986 ont déclenché des mouvements antinucléaires, ont alourdi la réglementation et ont réduit l’intérêt du public envers l’énergie nucléaire. L’incident de Fukushima en 2011 a entraîné de nouvelles suppressions progressives de l’énergie nucléaire, particulièrement en Allemagne et au Japon, bien que ce dernier ait fait marche arrière depuis. La capacité de production d’énergie nucléaire a commencé à plafonner en Amérique du Nord et en Europe occidentale vers 1990, mais la croissance s’est poursuivie en Asie, spécialement en Chine.

Trois facteurs ont permis à l’énergie nucléaire d’évoluer ces dernières années, entraînant ce qui est souvent décrit comme une « renaissance » du nucléaire : la transition énergétique, la sécurité énergétique et les technologies.

1. Transition énergétique

Alors que les nations et les services publics cherchent à se détourner du charbon et du gaz naturel, grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES), les principales solutions de rechange suivantes pour produire de l’électricité ont émergé : l’hydroélectricité, l’énergie éolienne, l’énergie solaire et l’énergie nucléaire. Les avantages de l’énergie nucléaire ne sont plus à démontrer. En effet, elle se distingue par les plus faibles émissions de GES de toutes les technologies énergétiques, par sa disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, par sa souplesse d’exploitation, par sa faible empreinte écologique ainsi que par sa capacité à décarboner des activités difficiles à éliminer, comme la production de ciment et de produits pétrochimiques.

La contribution du nucléaire à la lutte contre le changement climatique a été largement démontrée par le programme d’élimination progressive du charbon mis en place par l’Ontario au début des années 2000, qui figure parmi les politiques de réduction des émissions de GES et de la pollution les plus ambitieuses et fructueuses au monde. Pour réussir sa transition vers l’énergie propre, l’Ontario a ajouté 35 térawattheures (TWh) de sources énergétiques à faible émission de GES à son éventail de sources d’approvisionnement ; 91 % de ce nouvel approvisionnement provenait de l’énergie nucléaire. Alors que le Canada et le monde entier s’orientent vers un réseau électrique plus propre, l’énergie nucléaire est appelée à jouer un rôle de premier plan.

2. Sécurité énergétique

Les questions de sécurité liées à l’énergie nucléaire ont pris une autre dimension à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. L’Europe, qui a imposé des sanctions sur le gazoduc russe, a désespérément cherché des solutions de rechange, et la flambée des prix mondiaux de GNL a fait apparaître l’énergie nucléaire comme plus rentable, moins instable et moins dépendante des régimes autoritaires.

Les énergies renouvelables dépendent fortement des biens fabriqués en Chine et des minéraux critiques provenant de pays instables ou autoritaires. L’approvisionnement mondial en pétrole, quant à lui, dépend dans une large mesure de l’OPEP+. Mais la chaîne d’approvisionnement de l’énergie nucléaire peut provenir de pays occidentaux et démocratiques et de leurs alliés. De fait, le Canada dispose d’une chaîne d’approvisionnement nucléaire presque entièrement nationale.

Certains alliés continuent de dépendre de l’uranium enrichi de la Russie, un marché dominé par cette dernière. Ce contexte a incité les États-Unis à adopter une législation bipartisane pour renforcer la sécurité de leur approvisionnement en combustible nucléaire, législation qui a abouti à une alliance entre les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, la France et le Canada, comme annoncée en marge du sommet du G7 d’avril 2023 à Sapporo, au Japon, pour renforcer collectivement la sécurité du combustible nucléaire.

3. Technologies

L’énergie nucléaire a été principalement critiquée pour les risques non nécessaires qu’elle présente en matière de sûreté et pour son coût trop élevé. Ces affirmations ont été démenties par des décennies de résultats sûrs dans les pays utilisant l’énergie nucléaire, où les prix de l’électricité sont stables et abordables. La dernière génération de technologie nucléaire, connue sous le nom de conception Gen IV, continue de révolutionner le nucléaire pour répondre à ces préoccupations. Les petits réacteurs modulaires (PRM) sont au cœur de cette nouvelle vague. Si les réacteurs de plus grande taille restent l’option privilégiée dans bien des cas où il faut une densité de puissance, comme pour électrifier les villes et les grandes industries, les PRM apportent quant à eux une plus grande souplesse à la palette d’énergies nucléaires.

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, les petits réacteurs modulaires (PRM) sont des réacteurs nucléaires avancés dont la puissance peut atteindre jusqu’à 300 mégawatts électriques (MWe) par unité, soit environ un tiers de la capacité de production des réacteurs nucléaires traditionnels. Les PRM sont : (1) petits — physiquement une fraction de la taille d’un réacteur nucléaire conventionnel (2) modulaires — ce qui permet aux systèmes et aux composants d’être assemblés en usine et transportés en une seule unité vers un lieu d’installation ; et (3) réacteurs — en exploitant la fission nucléaire pour générer la chaleur nécessaire à la production de l’énergie.

Grâce à ces caractéristiques, les PRM avancés devraient être moins chers à construire que les réacteurs traditionnels. La modularité permettra de préfabriquer les réacteurs et de les assembler sur place, ce qui réduira les délais et les coûts de construction. Le microréacteur, une sous-catégorie de PRM, a une capacité généralement inférieure à 20 MWe et est suffisamment petit pour pouvoir être transporté en toute sûreté dans un camion, un train ou un avion-cargo.

Comme ils sont plus petits, les PRM sont moins encombrants que les réacteurs traditionnels, ce qui permet une plus grande souplesse en termes de choix d’emplacement. La plupart des PRM n’étant pas refroidis à l’eau, ils peuvent également être installés dans des endroits dépourvus de sources d’eau importantes. Cela permet de réduire le temps et l’argent nécessaires à la construction d’un réseau de transport d’électricité et d’offrir des options énergétiques fiables dans les régions rurales et isolées. En outre, les PRM sont souvent conçus pour être modulables, comme la présence de plusieurs unités sur un même site,selon les besoins particuliers en mégawatts. C’est le cas des quatre réacteurs GE Hitachi BWRX-300 MW prévus à Darlington, en Ontario, ou des douze réacteurs Xe-100 de 80 MW prévus dans le centre de l’État de Washington.

Les modèles Gen III+ et Gen IV sont également dotés de dispositifs de sûreté passifs et inhérents, ne nécessitant aucune intervention humaine pour l’arrêt. Cela limite considérablement, voire élimine, les risques d’incidents graves tels que les accidents de fusion du cœur. En outre, certains modèles peuvent fonctionner pendant des années, et même une décennie, sans être ravitaillés en combustible.

Les nouvelles technologies nucléaires ouvrent également la voie à des utilisations énergétiques avancées. Alors que les réacteurs traditionnels ont presque toujours été développés pour produire de l’électricité à l’échelle du réseau, de nouveaux modèles de réacteurs sont en cours de développement pour la décarbonation des industries. De nombreuses industries ont besoin de chaleur industrielle à des niveaux compris entre 100 et 1500 °C, par exemple pour la fabrication de produits chimiques, de ciment, d’acier et autres procédés métallurgiques. Les combustibles fossiles sont excellents pour générer les températures élevées dont l’industrie a besoin et peuvent difficilement être remplacés par l’énergie électrique. Toutefois, les réacteurs Gen IV à très haute température, connus sous le nom de Réacteur à très haute température (RTHT), peuvent générer une température de l’ordre de 1 000 °C, ce qui les rend utiles pour un certain nombre d’applications industrielles. Les nouveaux modèles de réacteurs peuvent également être optimisés pour la création d’hydrogène ou la désalinisation, deux applications à forte consommation d’énergie qui devraient prendre de plus en plus d’importance à l’avenir en vue de répondre aux besoins d’une énergie à faible intensité de carbone et d’un approvisionnement en eau propre, respectivement.

Les réacteurs avancés offrent donc non seulement la fiabilité et les caractéristiques de faible émission de carbone appréciées du parc actuel de réacteurs nucléaires, mais aussi de nouvelles applications prometteuses qui orienteront l’avenir énergétique au service du développement communautaire et économique.

Contexte nucléaire du Canada

Au cœur de la fission nucléaire se trouve l’uranium, un métal dont le poids atomique (92) est le plus élevé de tous les éléments présents à l’état naturel. C’est dans le bassin d’Athabasca, dans le nord de la Saskatchewan, que se trouvent les gisements d’uranium les plus riches au monde. Alors que la plupart des grandes mines de la planète ont des teneurs en minerai d’uranium autour de 0,10 pour cent, certains gisements de la Saskatchewan ont des teneurs moyennes allant jusqu’à 20 pour cent. Cigar Lake, la mine d’uranium la plus riche et la plus importante au monde, a une teneur moyenne de 17,21 pour cent d’octaoxyde de triuranium (U3O8), le composé créé lorsque le minerai d’uranium a été extrait et broyé.

L’uranium de la Saskatchewan a alimenté les programmes nucléaires américains et britanniques pendant la guerre froide, et a ensuite alimenté les premiers réacteurs CANDU. Les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) de Chalk River, en Ontario, conçoivent, construisent et expérimentent des réacteurs nucléaires depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le CANDU, un diminutif pour Canada Deutérium Uranium, est un réacteur nucléaire qui utilise de l’eau lourde comme modérateur et caloporteur, et de l’uranium naturel comme source de combustible. La conception du premier réacteur CANDU a débuté en 1954 dans le cadre d’un partenariat entre Énergie atomique du Canada limitée, Ontario Hydro et la Canadian General Electric Company, et la première centrale à grande échelle a été mise en service en 1968, en Ontario. Le Canada a produit 47 réacteurs nucléaires CANDU, dont 34 sont utilisés à l’étranger. Au pays, des réacteurs CANDU ont été construits en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. La centrale nucléaire québécoise de Gentilly a été mise hors service en 2012. L’Ontario possède toujours ses trois centrales nucléaires à Bruce, à Pickering et à Darlington, et le Nouveau-Brunswick a une centrale à Point Lepreau. L’énergie nucléaire produit 15 pour cent de l’électricité du Canada et 60 pour cent de l’électricité de l’Ontario. Avec une production nucléaire de 81 TWh en 2022, le Canada est le sixième producteur mondial d’énergie nucléaire.

Progrès récents de l’énergie nucléaire CANDU 

La construction de réacteurs CANDU s’est arrêtée au Canada après la livraison de Darlington 4 en 1993, en raison d’une baisse de la demande d’électricité et d’inquiétudes quant à la prévisibilité des coûts de construction. Toutefois, la chaîne d’approvisionnement des réacteurs CANDU est restée active et connaît actuellement sa propre revitalisation. D’importants travaux de remise à neuf sont en cours aux centrales de Darlington et de Bruce et, jusqu’à présent, ils ont été réalisés plus rapidement que prévu et sans dépassement du budget. Le programme de remise à neuf a également injecté environ 30 milliards de dollars dans la chaîne d’approvisionnement nucléaire canadienne, soit un robuste réseau de plus de 250 entreprises et fournisseurs. Ce programme est un projet d’infrastructure véritablement canadien, puisque 90 pour cent des dépenses de Bruce Power et d’OPG liées au projet ont lieu en Ontario et 98 pour cent au Canada.

La chaîne d’approvisionnement active contribuera à soutenir la prochaine vague d’énergie nucléaire au Canada. Outre le fait que Bruce Power propose de construire en trois décennies le premier nouveau site nucléaire canadien à grande échelle, le pays se prépare également à voir OPG construire les quatre premiers PRM du pays sur le site de Darlington.

La technologie CANDU continue de progresser ; et ses principales caractéristiques, comme la capacité unique d’utiliser de l’uranium non enrichi et d’autres combustibles, le rechargement en combustible en marche et un certain nombre de dispositifs de sûreté actifs et passifs, restent très attrayantes. La Roumanie est en train de construire deux nouveaux réacteurs CANDU-6 dans sa centrale nucléaire de Cernavodā. En septembre 2023, Ressources naturelles Canada a annoncé un financement à l’exportation de 3 milliards de dollars pour soutenir le projet, ce qui alimentera la chaîne d’approvisionnement nucléaire du Canada.

Le Groupe des propriétaires de CANDU, qui comprend des exploitants de CANDU de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Chine, de la Corée du Sud, de l’Inde, de l’Argentine et de la Roumanie, poursuit sa collaboration pour mettre en commun des ressources destinées à la recherche et au développement novateurs et à des projets conjoints. Les exploitants de ce groupe ont investi des centaines de millions de dollars en recherche et développement pour faire progresser la technologie CANDU. Une grande partie de ces investissements concerne l’innovation dans les procédés, à savoir l’amélioration de l’efficacité, de l’économie, de la sûreté et du rendement des réacteurs CANDU.

Ces réacteurs sont également capables de produire des isotopes nucléaires qui sont ensuite utilisés dans la stérilisation des appareils médicaux, dans l’imagerie médicale et les procédures de diagnostic, ainsi qu’en médecine et dans le développement de nouveaux médicaments. En effet, les réacteurs CANDU de l’Ontario produisent 50 pour cent de l’approvisionnement mondial en cobalt 60, et font actuellement l’objet d’une mise au point pour la production de molybdène 99, d’hélium 3, de tritium et de deutérium. Ces efforts stimulent la croissance et l’innovation dans le domaine de la médecine nucléaire et placent le Canada au cœur de ce créneau. Au-delà de la médecine, les isotopes sont également utilisés pour la recherche sur les neutrons, la sécurité aux frontières, la conservation des aliments et l’informatique quantique.

Progrès récents de la technologie nucléaire canadienne des PRM

Des efforts concertés ont été déployés au Canada pour saisir le potentiel des PRM. Dès juin 2017, les LNC ont lancé un appel de manifestations d’intérêt pour les PRM. Mais la coordination politique a véritablement commencé lorsque Ressources naturelles Canada a élaboré une feuille de route des PRM en 2018, suivie d’un plan d’action pour les SMR en 2021, en étroite collaboration avec l’Alberta, la Saskatchewan, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick, ainsi qu’avec les parties prenantes autochtones, le secteur privé, les sociétés d’État, les instituts de recherche et la société civile. Ces quatre provinces ont également publié leur propre plan stratégique interprovincial pour le déploiement des PRM en 2022, en s’appuyant sur l’étude de faisabilité sur les PRM menée par leurs sociétés d’électricité provinciales en mars 2021. La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a soutenu le développement des PRM par le biais d’autorisations préalables visant à cerner les obstacles fondamentaux à l’autorisation d’un nouveau modèle au Canada et à s’assurer qu’il existe un plan de résolution.

Neuf modèles ont été soumis à l’examen de la CCSN en vue d’une autorisation préalable : le réacteur intégral à sels fondus de Terrestrial Energy ; les microréacteurs MMR-5 et MMR-10 d’Ultra Safe Nuclear Corporation ; le réacteur à sodium liquide ARC-100 d’ARC Nuclear ; le réacteur à sels stables de Moltex ; le PRM à eau légère sous pression SMR-160 de LLC ; le réacteur à haute température refroidi au gaz d’U-Battery ; le réacteur à eau bouillante BWRX-300 de GE Hitachi ; le réacteur à gaz haute température refroidi Xe-100 de X-energy ; et le microréacteur eVinci de Westinghouse.

Un certain nombre de projets sont en cours ou prévus au Canada, notamment les suivants :

  • Le projet de nouvelle centrale nucléaire de Darlington, qui vise à déployer quatre PRM BWRX-300 de GE-Hitachi (de 300 MW) sur le site de Darlington de l’OPG en Ontario pour l’alimentation en réseau. Le premier devrait être construit d’ici 2028, et son exploitation commerciale débuterait en 2029.
  • Le réacteur rapide refroidi au sodium ARC-100 (de 100 MW) sur le site de Point Lepreau d’Énergie NB, au Nouveau-Brunswick, pour l’alimentation en réseau d’ici 2030.
  • Un autre ARC-100, au Carrefour d’énergie verte du port de Belledune, au Nouveau-Brunswick, pour produire vers le milieu des années 2030 de l’hydrogène propre destiné à l’exportation, en collaboration avec Cross River Infrastructure Partners.
  • Le réacteur BWRX-300 de GE-Hitachi, en Saskatchewan, pour l’alimentation en réseau, dont le déploiement par SaskPower est prévu pour le milieu des années 2030.
  • Le projet de démonstration commerciale du microréacteur modulaire (MRM) de la Ultra Safe Nuclear Corporation aux laboratoires de Chalk River (Ontario), dont la mise en service est prévue d’ici 2028.

Les peuples autochtones sont consultés à un stade précoce et de manière significative dans le cadre de ces projets. Ils seront appelés à participer à la renaissance du nucléaire de trois principales façons, c’est-à-dire : (1) par la consultation sur le processus de réglementation nucléaire ; (2) par le consentement à l’implantation de nouveaux réacteurs nucléaires et au stockage des déchets sur leurs territoires ; (3) et par la participation économique, comme la participation au capital, à la construction, à la fabrication de composants, à la formation de la main-d’œuvre et autres éléments de la chaîne d’approvisionnement. En septembre 2023, le North Shore Mi’kmaq Tribal Council et ses sept Premières Nations membres ont annoncé qu’ils investiraient dans les projets de promotion de PRM au Nouveau-Brunswick, ce qui a généré une valeur d’action de 2 millions de dollars pour Moltex et de 1 million de dollars pour ARC, un accord unique en son genre dans le secteur des PRM.

Au Canada, on a surtout parlé des projets à venir à l’échelle du réseau, mais une grande partie du potentiel des PRM pour le pays réside dans la décarbonation industrielle, vu la nature et la géographie de notre économie. Outre le projet de Belledune pour la production d’hydrogène, on peut citer les sables bitumineux, l’exploitation minière, la pétrochimie et les engrais, qui offrent tous des cas d’utilisation convaincants. L’Alliance nouvelles voies, qui regroupe les six principales entreprises du secteur des sables bitumineux, étudie activement les PRM comme moyen de réduire l’intensité des émissions de leurs barils, en utilisant l’énergie nucléaire pour produire la vapeur nécessaire à l’extraction du pétrole des gisements de sables bitumineux du nord de l’Alberta, au lieu d’utiliser le gaz naturel. Terrestrial Energy, qui a son siège à Oakville (Ontario), a annoncé en mars 2023 qu’elle ouvrirait un bureau à Calgary pour soutenir le développement commercial de son modèle de cogénérationindustrielle. Par ailleurs, X-energy et Invest Alberta ont annoncé un protocole d’entente (PE) en janvier 2023 pour créer des débouchés qui appuieront le déploiement de son modèle. En outre, le gouvernement de l’Alberta a annoncé en septembre 2023 une contribution de 7 millions de dollars pour une étude de faisabilité de PRM menée par Cenovus, un important producteur de sables bitumineux.

Chez nos voisins au sud, la Inflation Reduction Act (loi sur la réduction de l’inflation) a stimulé de nouveaux projets de développement nucléaire, notamment des projets de démonstration financés et mis en œuvre par NuScale, X-energy, Holtec et TerraPower. Par exemple, Dow a conclu un partenariat avec X-energy pour construire quatre Xe-100 sur un site industriel de l’un de ses établissements de la côte du Golfe du Mexique afin de décarboner sa production de produits chimiques. Quant à Microsoft, elle est en train de mettre en œuvre une stratégie énergétique mondiale de petits réacteurs modulaires (PRM) et de microréacteurs pour alimenter son activité d’intelligence artificielle, très gourmande en énergie.

Les mines isolées du Canada constituent un autre cas d’utilisation logique. Le coût de l’énergie est un facteur dissuasif énorme pour le développement des sites hors réseau, et le diesel est généralement la seule option, entraînant ses propres défis logistiques, économiques et environnementaux. Une mine de diamants aux Territoires du Nord-Ouest consomme jusqu’à 80 millions de litres de diesel par an. L’utilisation des PRM pour soutenir les opérations minières dans les régions éloignées devrait permettre d’exploiter davantage de gisements à mesure que croît la demande mondiale en minéraux critiques. Le gouvernement du Yukon a mandaté une étude de faisabilité sur les PRM, publiée en septembre 2023, qui a permis de conclure que les PRM avaient un coût actualisé de l’électricité plus faible pour les mines hors réseau que des systèmes comparables comme : le diesel ; l’éolien et le diesel ; le solaire et le diesel ; l’éolien et les batteries ; le solaire et les batteries ; l’hydroélectricité ; et le gaz naturel liquéfié.

Au-delà de l’Arctique, les très petits réacteurs — ou nanoréacteurs — peuvent être utilisés aussi loin que sur la lune. C’est précisément le modèle que la Société canadienne des mines spatiales est en train de mettre au point. Rien ne limite les avancées du nucléaire, ni même l’espace.

Déchets nucléaires

Les inquiétudes à l’égard des déchets nucléaires sont une source fréquente d’hésitation en matière d’énergie nucléaire. La CCSN est chargée de la surveillance réglementaire de la gestion des déchets radioactifs, mais ce sont les propriétaires des déchets qui sont responsables de leur gestion, par l’intermédiaire de la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN). La SGDN applique le processus de gestion adaptative des déchets que le gouvernement du Canada a choisi pour la gestion à long terme du combustible nucléaire irradié, et elle construira un dépôt géologique en profondeur en Ontario à cette fin. De fait, l’un des éléments propres au secteur nucléaire est que ses exploitants ont toujours, et continuent, à assumer pleinement et à payer les coûts à long terme de la gestion des déchets dans le cadre de leur production permanente.

La SGDN devrait faire son choix d’emplacement définitif en 2024 et a présélectionné les régions des Nations ojibwées de Wabigoon Lake-Ignace et de Saugeen-South Bruce, en fonction de leur géologie et de leur volonté d’accueillir le dépôt. Il s’agit d’une entreprise économique importante en soi : le coût de ce projet multigénérationnel est estimé à 26 milliards de dollars (en dollars de 2020) sur son cycle de vie d’environ 175 ans. Le dépôt sera conçu dans l’optique des futurs déchets générés par les PRM au Canada. La SGDN a élaboré un plan provisoire de transport des déchets radioactifs qui tient compte des exigences réglementaires, des véhicules envisagés (camions ou trains), des itinéraires représentatifs, des dispositions en matière de sûreté nucléaire et de convoyage, de la gestion des urgences, de la logistique et de la programmation des expéditions, ainsi que des aspects opérationnels tels que la communication, la surveillance et le suivi des expéditions.

Débouchés commerciaux du nucléaire au Canada 

Le nucléaire offre d’excellentes pistes d’application pouvant fournir sur mesure l’électricité et la chaleur industrielle à faible intensité de carbone dont l’industrie canadienne a besoin pour défier la concurrence et prospérer. Mais au-delà de l’énergie elle-même, c’est une formidable opportunité pour le Canada de devenir un des principaux acteurs du marché mondial de l’énergie nucléaire. En effet, le Canada dispose de nombreux avantages intrinsèques : ses réserves d’uranium de haute qualité, sa chaîne d’approvisionnement nucléaire, sa capacité de traitement du combustible nucléaire, ses longs antécédents en matière de production d’énergie nucléaire sûre et son vaste marché intérieur. Il peut donc les exploiter pour accroître la part de marché mondial des réacteurs CANDU et s’approprier de nouvelles parts de marché à mesure que se développera le secteur des PRM, dont le marché mondial est estimé à 150 milliards de dollars par an d’ici 2040. Nous vivons un tournant passionnant et dynamique. Les nouveaux venus du secteur privé de l’industrie nucléaire, au-delà des grandes entreprises de services publics et des fournisseurs traditionnels, apportent de nouvelles idées et perspectives.

Trois grandes opportunités se démarquent du lot : l’expertise, la chaîne d’approvisionnement et le combustible d’uranium.

1. Expertise nucléaire

L’expertise du Canada en ingénierie et en exploitation de réacteurs CANDU et de PRM est hautement commercialisable. En tant que pionnier dans le domaine des réacteurs avancés, le pays pourrait acquérir un avantage concurrentiel. Son organisme de réglementation nucléaire, la CCSN, est respecté, souple et politiquement indépendant, et très compétent sur les plans technique et scientifique. Les autorisations approuvées au titre du régime canadien donnent de la crédibilité à d’autres marchés. Cela contribue à rendre le Canada attrayant pour les modèles « premier du genre » (First-of-a-Kind). Dans le cadre du projet d’hydrogène de Belledune, par exemple, Énergie NB acceptera les coûts plus élevés associés à un modèle « premier du genre », mais cela lui permettra de se doter d’une expertise locale puis de percevoir ailleurs des honoraires de consultation. 

Les projets nucléaires au Canada peuvent également permettre de sécuriser la recherche et la propriété intellectuelle dans des domaines d’innovation essentiels tels que les méthodes d’ingénierie et de construction, la robotique, la science des matériaux, les essais et la qualification des combustibles, la fabrication de pointe, les systèmes de contrôle, la cybersécurité et l’exploitation à distance.

2. Opportunités pour la chaîne d’approvisionnement

L’industrie nucléaire canadienne actuelle, qui compte plus de 200 fournisseurs, s’est développée autour de l’ingénierie nucléaire, de la fabrication de pointe et des services, et s’occupe principalement des réacteurs à eau lourde CANDU. À mesure qu’elle prend de l’expansion sur le marché des PRM, il sera nécessaire de créer de nouvelles installations spécialisées dans la fabrication en série et la modularisation. Le marché des PRM est très différent et dépend beaucoup plus de la fabrication en série et de la modularisation. La chaîne d’approvisionnement nucléaire canadienne existante devra évoluer pour saisir les nouvelles opportunités. Cela permettra aux fournisseurs existants de se diversifier et aux nouveaux venus d’entrer sur le marché. Les principaux débouchés de la chaîne d’approvisionnement des PRM sont : 1) les vendeurs de technologies ; 2) les intégrateurs de systèmes ; 3) les fabricants d’équipements ; 4) les fournisseurs et les distributeurs de sous-composants ; 5) les transformateurs et les fabricants ; 6) et les exploitants miniers et les fournisseurs de matières premières (voir figure 1).

Source : Développement économique Canada pour les Prairies (2022). Assessment of Alberta and Saskatchewan’s industrial potential to participate in an emerging Canadian SMR supply chain.

3. Carburant d’uranium

À titre de source d’énergie dense, propre et fiable, tant pour l’électricité que pour la chaleur, avec de formidables possibilités de progrès technologiques, l’énergie nucléaire est appelée à prendre de plus en plus d’importance dans la palette énergétique mondiale. Tout comme le pétrole et le gaz naturel sont aujourd’hui des produits de base hautement stratégiques, le combustible nucléaire le sera probablement à l’avenir, encore plus qu’aujourd’hui.

De par sa nature, le marché du combustible nucléaire est beaucoup plus concentré que celui des combustibles fossiles et présente un important niveau d’obstacles à l’entrée, ce qui confère des avantages politiques et économiques aux fournisseurs. L’industrie de la fabrication de combustible nucléaire est dominée par quatre entreprises qui répondent à la demande internationale de réacteurs à eau légère : Framatome et ORANO (France), Global Nuclear Fuel (États-Unis, Japon), TVEL (Russie) et Westinghouse (États-Unis). Le Canada n’enrichit pas le combustible nucléaire entre autres parce que ses réacteurs CANDU utilisent de l’uranium à l’état naturel.

Le Canada dispose toutefois d’un avantage considérable pour se développer dans l’enrichissement du combustible nucléaire, étant donné qu’il est un très grand producteur d’uranium, la matière première de la plupart des combustibles nucléaires, et qu’il a des décennies d’expérience et une clientèle internationale bien établie, par l’intermédiaire de Cameco, pour les services de combustible. En outre, Westinghouse a été rachetée en 2022 par un partenariat canadien réunissant Brookfield Renewable et Cameco.

Le développement de grands réacteurs tels que le Westinghouse AP1000 et de nouveaux PRM modifiera le paysage de l’approvisionnement en combustible nucléaire. Les réacteurs avancés sont conçus pour nécessiter du combustible enrichi, y compris, dans certains cas, de l’uranium faiblement enrichi à dosage élevé, ou HALEU, un produit que seule la Russie commercialise à l’heure actuelle. Enrichir l’uranium signifie augmenter la concentration de l’isotope U-235. Dans l’uranium naturel que les réacteurs CANDU utilisent, l’U-235 se trouve en concentration d’environ 0,7 pour cent. Les réacteurs traditionnels utilisent du combustible nucléaire enrichi en concentration de 3 à 5 pour cent. Or, par définition, l’uranium HALEU est enrichi de 5 à 20 pour cent, et généralement à 19,75 pour cent. Cela permet aux réacteurs d’être physiquement plus petits et de réduire les besoins en combustible.

Les États-Unis déploient des ressources pour résoudre le problème de dépendance au HALEU russe. Un projet de loi bipartisan, le Nuclear Fuel Security Act, a fait son chemin au Congrès ; il vise à augmenter la production nationale d’uranium faiblement enrichi ainsi que de HALEU. Cameco développe aussi sa propre capacité en matière d’enrichissement par le biais d’un partenariat avec une entreprise américaine dans une installation en Caroline du Nord, aux États-Unis ; c’est le chef de file commercial de Global Laser Enrichment (GLE), titulaire exclusif de la technologie d’enrichissement par laser SILEX (Separation of Isotopes by Laser Excitation), une technologie d’enrichissement de l’uranium de troisième génération. Le fournisseur de services d’enrichissement Urenco agrandit également son installation d’enrichissement existante au Nouveau-Mexique, et le fournisseur de combustible nucléaire Centrus met en service une nouvelle technologie américaine dans son installation de l’Ohio.

Pendant que les États-Unis joueront un rôle essentiel dans l’approvisionnement en combustible nucléaire qui remplacera celui de la Russie dans les premiers stades de développement des réacteurs avancés, le Canada a de bonnes raisons de faire de même, du moins à moyen terme. La première d’entre elles est d’ordre économique : l’enrichissement du combustible nucléaire est un processus à forte valeur ajoutée. L’autre raison est toutefois d’ordre sécuritaire : il n’est pas souhaitable de trop dépendre d’un pays ou deux pour ses besoins en sécurité énergétique, surtout lorsqu’il s’agit de superpuissances mondiales comme les États-Unis et la Russie. Les caractéristiques uniques du Canada favoriseraient la diversité de l’approvisionnement sans compromettre les efforts de non-prolifération au niveau mondial, tout en renforçant la sécurité énergétique nationale à mesure que le pays construit davantage de PRM. Cependant, l’entrée dans ce secteur hautement contrôlé et coûteux nécessitera un soutien important de la part du gouvernement et une volonté politique.

Entre-temps, les réacteurs CANDU resteront une technologie attrayante pour de nombreux pays où la capacité d’utiliser de l’uranium non enrichi est considérée comme un atout, surtout si la demande pour les sources occidentales d’uranium enrichi commence à excéder l’offre.

Recommandations

Le contexte politique canadien n’est pas toujours considéré comme avantageux pour le développement de l’énergie, mais dans le cas du nucléaire, il y a des raisons d’être optimiste. Les gouvernements provinciaux de l’Ouest et de l’Est ont collaboré avec le gouvernement fédéral dans le dossier du développement nucléaire ; les libéraux et les conservateurs ont tous deux soutenu le développement de ce secteur ; les syndicats et le secteur privé y voient des possibilités de croissance ; et les communautés autochtones et les parties prenantes sont impliquées très tôt et de manière significative dans la nouvelle vague de développement nucléaire au Canada. Le contexte politique mondial est également très favorable, car de nombreux clients cherchent à réduire leur dépendance à la chaîne d’approvisionnement nucléaire russe et à trouver d’autres fournisseurs conviviaux.

Au cours des deux dernières années, le gouvernement fédéral a apporté un soutien important au développement du nucléaire, notamment par les mesures suivantes :

  • des mesures incitatives par le biais de crédits d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, les technologies propres et la fabrication des technologies propres ;
  • d’importants investissements dans les PRM de Darlington par l’intermédiaire de la Banque de l’infrastructure du Canada ;
  • un financement destiné à accroître l’efficacité des examens et des approbations réglementaires, y compris pour la Commission canadienne de sûreté nucléaire ;
  • un financement accru du Fonds stratégique pour l’innovation, lequel a soutenu le développement des PRM ;
  • un financement afin de mieux mobiliser les nations et les entreprises autochtones dans le secteur nucléaire ;
  • un financement à l’exportation pour les nouveaux projets CANDU-6 de la Roumanie.

L’industrie des PRM avancés n’en est qu’à ses débuts et profitera du soutien continu des politiques publiques pour positionner favorablement l’industrie canadienne. À mesure que le secteur passe de la phase de technologie à la phase de projet, il sera confronté à des défis tels que l’accessibilité du capital, le fardeau réglementaire, les profils de risque élevé des projets, les chaînes d’approvisionnement embryonnaires, l’absence de normes internationales harmonisées et les préoccupations du public en matière de sûreté nucléaire. Les gouvernements peuvent, dans différentes phases, atténuer les risques liés aux investissements privés de sorte que le secteur puisse se développer à un rythme soutenu.

Afin de promouvoir au pays le développement d’un secteur nucléaire de pointe concurrentiel à l’international, les parties prenantes devraient :

  • Veiller à ce qu’il y ait un financement concurrentiel : L’énergie nucléaire est un secteur gourmand en capitaux, et les modèles « premier du genre » peuvent miner la confiance des investisseurs et remettre en cause les modèles de financement habituels. Les crédits d’impôt à l’investissement et les prêts à faible taux d’intérêt sont très importants pour soutenir le développement du secteur à ses débuts. Les fonds et les subventions en faveur de l’énergie propre ont souvent exclu l’énergie nucléaire, y compris le Cadre des obligations vertes annoncé par le Canada en 2022. Les énergies éolienne et solaire ont bénéficié de subventions bien plus importantes par mégawatt. Les institutions financières et programmes gouvernementaux devraient adopter une neutralité technologique lorsqu’il s’agit de soutenir les investissements dans les énergies à faible intensité de carbone.
  • Veiller à ce que la réglementation soit claire et prévisible, et à ce que les approbations et licences soient accordées en temps opportun : Le secteur nucléaire, en raison de ses particularités, fait l’objet d’un examen minutieux. Même si cela est important, le processus réglementaire a tout intérêt à être réactif, souple et efficace, faute de quoi l’industrie nucléaire restera lente et coûteuse. La Commission canadienne de sûreté nucléaire jouit d’une bonne réputation dans l’ensemble, et a besoin de soutien pour poursuivre son travail à mesure que de nouvelles technologies et de nouveaux défis logistiques et réglementaires émergent des conceptions avancées. Elle a également un rôle à jouer dans l’harmonisation mondiale des normes pour les modèles nucléaires avancés, et dans la liaison entre les technologies et fournisseurs d’ici et les clients du monde entier. À cette fin, un nouveau rapport conjoint de l’Association nucléaire mondiale, du Nuclear Energy Institute et de l’Association nucléaire canadienne a été publié en septembre 2023. Il propose des mesures réglementaires à prendre pour minimiser le temps et le coût du déploiement à grande échelle d’un parc de réacteurs à conception normalisée.

    La Loi sur l’évaluation d’impact a entravé la bonne exécution des projets nucléaires, tout comme les projets de nombreuses autres industries, et elle doit être améliorée. Souvent, des sites existants sont considérés comme de nouveaux emplacements même si des installations nucléaires y sont installées depuis des dizaines d’années. Ces sites devraient être exemptés.
  • Veiller à une coordination solide de la politique nucléaire canadienne : Un organisme national composé des gouvernements fédéral et provinciaux, de parties prenantes autochtones, de propriétaires et d’exploitants, d’utilisateurs finaux et de fournisseurs devrait être créé pour guider et superviser l’essor du secteur, communiquer et résoudre les problèmes de manière proactive, et mettre en œuvre des stratégies pour tirer parti des nouveaux débouchés. Cet organisme aurait également pour mission de soutenir et de renforcer une chaîne d’approvisionnement nucléaire pancanadienne intégrée, incluant des fournisseurs autochtones. Le groupe du Plan d’action canadien des PRM, auquel participent le gouvernement fédéral, les provinces et territoires intéressés, l’industrie, les parties prenantes autochtones, les syndicats et la société civile, jette de bonnes bases pour cette approche.

Enfin, tous les atouts sont réunis pour que le Canada devienne un acteur de premier plan dans le secteur émergent du nucléaire et des PRM ; il ne reste plus qu’à faire preuve d’ambition et à passer à l’action. Les perspectives économiques, géopolitiques et environnementales sont toutes convaincantes et méritent une approche stratégique pour aller de l’avant. Le milieu des affaires est un partenaire essentiel prêt à s’engager dans cette voie.

Droits d’auteur

© Conseil canadien des affaires, 2023

Citation

Conseil canadien des affaires, « Le Canada au cœur du renouveau énergétique : comment piloter la renaissance du nucléaire  », 27 novembre 2023.

À propos du Conseil canadien des affaires

Fondé en 1976, le Conseil canadien des affaires est un organisme sans but lucratif et non partisan représentant des dirigeants d’entreprises de tous les secteurs et toutes les régions du Canada. Les entreprises membres du Conseil emploient quelque 1,7 million de Canadiens et de Canadiennes, versent la plus grande part des impôts fédéraux sur les sociétés et sont les plus grands contributeurs aux secteurs des exportations du Canada, du mécénat d’entreprise et des investissements du secteur privé en recherche et développement. Au moyen de partenariats dans la chaîne d’approvisionnement, de contrats de service et de programmes de mentorat, les membres du Conseil soutiennent des centaines de milliers de petites entreprises et d’entrepreneurs dans les collectivités de toutes tailles, partout au Canada.

Avis de non-responsabilité

Les opinions présentées dans ce rapport sont celles du Conseil canadien des affaires. Les opinions présentées dans ce rapport ne reflètent pas nécessairement le point de vue des membres individuels du Conseil canadien des affaires et ne doivent donc pas être attribuées à un ou plusieurs de ces membres.