Réforme du processus d’approbation et d’autorisation réglementaire au Canada
Comme publié par l’Institut C.D. Howe sous la forme d’un mémo sur le renseignement.
De : Heather Exner-Pirot, conseillère spéciale, Conseil canadien des affaires, et Michael Gullo, vice-président (politique), Conseil canadien des affaires
À : L’honorable Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du changement climatique et l’honorable Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles
Date : Juillet 2023
Objet : Réforme du processus d’approbation et d’autorisation réglementaire au Canada
De l’avis général, le système canadien de réglementation et d’approbation des grands projets d’infrastructure est trop lent et trop pénible. Loin de se contenter d’imposer des coûts aux promoteurs, notre système réglementaire inefficace nuit à la compétitivité économique du Canada, aux objectifs climatiques et à la sécurité énergétique des Canadiens et de nos alliés.
Le gouvernement fédéral a annoncé des démarches pour relever ces défis dans son dernier budget, promettant de présenter d’ici la fin de l’année un plan concret pour améliorer l’efficacité des processus d’évaluation d’impact et d’autorisation pour les grands projets. Tandis que vous dirigez ce travail important pour les Canadiens, nous vous demandons avec insistance d’aborder les points suivants :
- Accélérer les délais de réalisation des projets. Dans le budget 2023, on se plaint que l’ouverture d’une mine ne devrait pas prendre 12 ans, en réalité, la moyenne est de 17,9 ans, selon une analyse de S&P Global. Cela constitue non seulement un frein considérable à l’investissement, mais rend les objectifs de transition énergétique pour 2030 totalement irréalisables.
D’autres pays avancent plus rapidement. Les États-Unis et l’Union européenne vont bientôt finaliser leurs intentions de limiter les délais à deux ans pour de nombreux projets. Nous devons agir avec le même sentiment d’urgence.
Vous pouvez aider les promoteurs et les décideurs politiques en identifiant et en accélérant les projets qui sont dans l’intérêt national. Il s’agit notamment des projets qui contribuent à la sécurité énergétique mondiale, qui fournissent de l’électricité et des carburants à faible teneur en carbone ou qui sont menés, détenus ou soutenus par les populations autochtones. - Améliorer la coordination et la gouvernance des grands projets. Il ne sert à rien de fixer des délais et des étapes plus serrés s’ils sont rarement respectés, comme l’a montré une analyse récente de notre processus réglementaire actuel. Comme l’a souligné la vice-première ministre Chrystia Freeland dans un discours prononcé à Washington à l’automne dernier, il reste encore beaucoup à faire pour maximiser l’efficacité et éliminer les obstacles qui empêchent de mener à bien l’évaluation d’un grand en temps opportun.
Le gouvernement fédéral devrait envisager d’habiliter le Bureau du Conseil privé afin d’assurer une coordination continue entre les hauts fonctionnaires et l’Agence d’évaluation d’impact. De même, les projets qui relèvent de la compétence fédérale et provinciale bénéficieraient de la formation d’une table « de greffier à greffier » afin d’instaurer une coordination disciplinée. - Accélérer les processus pour les friches industrielles qui ont déjà fait l’objet de développement et d’approbations pour des projets similaires. L’expansion des mines, l’octroi de licences pour de petits réacteurs modulaires sur des sites nucléaires existants ou l’augmentation de la capacité de pipeline et de ligne de transmission dans un droit de passage existant sont les types de projets qui peuvent débloquer des capitaux plus rapidement.
- Veiller à ce que les nouveaux projets fassent l’objet d’un processus d’évaluation unique dans la mesure du possible. Les longs délais sont exacerbés par la redondance inhérente à notre approche. Des exigences différentes sont imposées non seulement entre le niveau fédéral et le niveau provincial/territorial, mais aussi par les différents ministères au sein de ces gouvernements.
Vous pouvez respecter le principe « un projet, une évaluation » promis depuis longtemps en formalisant des accords de substitution entre le gouvernement fédéral et chaque province et territoire. L’accord actuel avec la Colombie-Britannique et l’approbation efficace de GNL Cedar en mars dernier montre ce qu’il est possible de faire. Le fait de laisser aux régulateurs de l’Alberta le soin de prendre des décisions sur les pipelines de capture du carbone serait un autre exemple. Pour que cette approche soit couronnée de succès, il faudra que le gouvernement fédéral reconnaisse les organismes de réglementation provinciaux comme des substituts appropriés dans un plus grand nombre de cas. - Mieux définir les critères utilisés pour désigner un projet dans le cadre de la Loi sur l’évaluation d’impact.Actuellement, les directives sont ambiguës et l’on craint à juste titre que des projets puissent faire l’objet d’un veto pour des raisons politiques, même s’ils répondent à toutes les normes. De plus, le gouvernement fédéral devrait préciser que le pouvoir du ministre de l’Environnement et du Changement climatique de désigner un projet en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact ne serait exercé que dans des circonstances exceptionnelles.
- Clarifier les conditions d’obtention du consentement des populations autochtones pour les projets, y compris des directives sur la manière dont la DNUDPA doit être appliquée. Au cours des deux dernières décennies, l’industrie et les nations autochtones ont fait du bon travail pour établir des relations mutuellement bénéfiques. De nouveaux modèles de participation, d’engagement et d’équité sont en cours d’élaboration, et des efforts sont actuellement déployés pour minimiser les incidences environnementales et culturelles des nouveaux projets. Mais le plus souvent, le gouvernement fédéral a brouillé les pistes en ce qui concerne la nature du consentement, la personne qui doit le donner et la manière d’évaluer l’impact sur les peuples et les territoires autochtones. Nous avons besoin de plus de clarté et de cohérence sur ce que l’on attend de l’industrie et de chaque niveau de gouvernement en matière d’engagement avec les nations autochtones.
En fin de compte, un système qui fonctionne pour les Canadiens est un système qui facilite le développement de grands projets, et non qui les paralyse. Notre système réglementaire est devenu trop politique et conflictuel. Tout le monde y perd. Les réformes doivent viser à attirer du développement responsable en assurant la prévisibilité, la certitude et un retour sur investissement raisonnable. Sans ces éléments, le Canada aura du mal à attirer les capitaux dont il a besoin pour être compétitif dans une économie à faibles émissions de carbone. Un régime réglementaire efficace et prévisible peut constituer un nouvel avantage concurrentiel important pour le pays. Le Canada doit être perçu comme un pays capable de construire à nouveau de grandes choses.